[Concert] Burnings Heads @ La Maroquinerie

- 1er décembre 2017

Burning Heads
Tournée des trente ans
La Maroquinerie (Paris)

J'étais pourtant un peu mouligas...

Max m'appelle en fin d'aprèm, "Toujours chaud, Davou ?" "Mwèf", que j'me dis. Pas trop envie de voir des gens, et le Paris du vendredi soir encore moins. Mais bon... Ça fait un moment qu'il me parle des Burning Heads, un moment qu'il me parle de ce concert, je sais qu'il l'attend avec impatience. Pour l'ami, je prends sur moi, et lui balance un franc "Yes, Maxou, ready !"... Allez ! Oh, et puis je partirai surement avant la fin...

On se retrouve au Pascalou (c'est le bar qui est juste en dessous de la chambre de Mahdi, lieu d'un bon nombre de fin de soirées en volutes et débats... Pensées pour toi, camarade ! tu nous manques). Une bière ou deux avec ses potes - histoire de rendre le Paris du vendredi soir sympathique... On monte gentiment vers la salle. Il y a Élie avec nous, cool. Max est bien chaud, ça se sent. Ça fait plaisir, tout ça ! Allez, on verra bien...

Tu parles, tout vu ! Après une première partie entre la salle, en bas, et le bar, en haut, l'heure est venue. Les Burning prennent possession de la scène. Deux trois réglages, les balances, et c'est parti ! Et pour eux... Et pour moi ! Leur son rond et léché m'attrape, et ne va pas me lâcher. Deux heures... trois, je sais plus... à bouger, à danser, à kiffer.

En bon timide, je me suis mis au fond de la salle. Et comme ce n'est pas bien grand, La Maroqu', je les vois devant, à se déchainer dès les premières mélodies. Zéro round d'observation. Ça danse, ça chante, ça vit ! La première chanson n'est pas finie que les premiers slameurs se lancent. Les pogos, pareil. La musique est de qualité, l'ambiance est dingue, comment faire autrement que de se s'y mettre aussi !

Et voilà que c'est au tour de Max de se lancer pour le slam ! Ah bon sang, si j'étais un peu moins con, je les rejoindrais, lui et les autres dans la fosse. Vu que je n'arrive pas à faire autre chose que danser, vu comme c'est mou, mou, mou autour de moi, c'est sans doute là-bas qu'est ma place. Tant pis, je me suis fait ma petite fosse dans mon coin, et c'était très bien !

Concert de ouf d'après l'ami Max... Je confirme. Bon anniversaire, Burning Heads !

DK, le 19 décembre 2017

[Concert] Akiko Suwanai, Paavo Jarvi, Orchestre de Paris @ Philharmonie de Paris

- 29 novembre 2017

Akiko Suwanai, Paavo Järvi, Orchestre de Paris
Jean Sibelius, Concerto pour violon - Dimitri Chostakovitch, Symphonie N° 7 "Leningrad"
Philharmonie de Paris

Je crois que c'est cuit. Je ne pourrai sans doute plus jamais écouter le Concerto pour violon de Sibelius sans que me remonte comme une chose indépassable ce qu'en fit Maxim Vengerov la saison dernière (voir ici et ici). A ce jeu de l'inévitable comparaison, Janine Jansen, déjà avec Paavo Jarvi, s'en était plutôt bien sortie en mars dernier. Cette fois, avec Akiko Suwanai, ça coince.

Elle aurait pourtant pu bénéficier de l'effet Jarvi. Le retour de "notre" ancien directeur musical, c'est toujours un petit évènement pour nous autres (pas vrai, Frédo ?). Et cela le restera, tant ce qu'il a fait de la Symphonie Leningrad est remarquable - la jouer quelques jours après le centenaire de la Révolution d'Octobre, en soit, c'est à saluer.

A cette oeuvre d'une énergie et d'une intensité incroyables (vu le sujet, il ne peut pas en être autrement), Maestro Jarvi a su donner sa patte, cette volonté d'insuffler douceur et nuances, sans rien trahir de l'intention de l'oeuvre, au contraire, pour la sublimer (la Valse Triste qu'il nous avait accordé en guise de rappel la saison dernière était un modèle du genre). Parfaitement soutenu en cela par un pupitre des bois très en forme, et d'une manière générale un Orchestre de Paris au rendez-vous...

... de cette deuxième partie. Car lui non plus n'a pas particulièrement brillé dans son interprétation du Sibelius. Certes, il n'y est qu'un second rôle, et la partition du soliste éclipse tout le reste. Mais comme la star avait bien du mal à remplir son rôle de star... Pas mal de pains, une aisance technique limitée, quelques jolis moments, mais, à mon goût, un hors-sujet total sur le plan de l'émotion. C'est comme si elle était restée pendant toute l'oeuvre sur la retenue qu'exigent les premières mesures (très joliment interprétées cela dit). Problématique dans les parties poignantes ou incisives. Un rappel, dont on se serait bien passé, un mouvement d'une sonate de Bach sans aucun relief.

Heureusement, Chostakovitch...


DK, le 30 novembre 2017

[Concert] Murray Perahia, Acamedy of Saint Martin in the Fields @ Philharmonie de Paris

- 6 novembre 2017

Murray Perahia, Acamedy of Saint Martin in the Fields
Ludwig van Beethoven, Romance N° 2, Symphonie N° 1, Concerto pour piano N° 5 "L'Empereur"
Philharmonie de Paris

Peut-être que j'en attendais trop... Murray Perahia et son Academy of Saint Martin in the Fields étaient de retour à Paris pour boucler la boucle, et conclure le cycle des concertos de Ludovic de Bonn entamé lors de la saison passée. Si ses représentations parisiennes m'avaient charmées sans me faire grimper jusqu'à la canopée - nom de la plateforme oblongue située au-dessus de la scène -, ce qu'ils avaient fait du Concerto N° 4 au Barbican de Londres m'avait totalement bouleversé - une chance incroyable d'y être. C'est rattrapé par le souvenir de ce moment magique que je suis entré dans la salle Pierre Boulez. J'avais tort.

D'abord parce que le programme n'était pas le même : un concerto associé à d'autres types d'oeuvres au lieu de deux concertos enchainés. Ensuite, parce que le concerto en question, le 5, n'est vraiment pas mon préféré. Son mouvement lent, majestueux, superbe, bien sûr, mais l'ensemble est un brin trop martial pour moi. Enfin, parce que chaque soir est différent, et que, depuis le cerveau de l'artiste jusqu'aux tripes de celui ou celle qui l'écoute, il y a une somme d'éléments qui font l'alchimie ou qui ne la font pas. Le courant a eu du mal à passer entre le héros de ma saison 2016/17 et moi ce soir. Pas grave, c'était un vrai plaisir de le revoir, et un beau concert.

D'ailleurs, il n'était pas si mal, cet Empereur. Imbibé de grâce, plein de rondeur, comme pour en estomper la dimension militaire. Surprenant dans un premier temps, très agréable en fait. C'est dans le mouvement lent que j'ai décroché. Lent... Très lent... Voire lourd, comme Perahia sur son piano. Non, ça ne l'a pas fait - c'était cuit pour le Rondo aussi, agréable à écouter néanmoins.

Et cette Romance N° 2, pas si mal non plus. Tomo Keller a eu quelques attaques un peu molles, incertaines, au début de l'oeuvre, mais s'est bien détendu par la suite. Très délicat - je dirais bien un peu trop, mais je ne l'ai jamais entendue par personne d'autre que Itzhak Perlman, "deux salles, deux ambiances", du point du vue du coup d'archet... Une belle interprétation, pleine de douceur.

Mais, pour moi - et je crois qu'il en est de même pour Max et Edmée présents ce soir - la belle surprise de la soirée, c'est cette Symphonie N° 1. Pas la plus connue, mais qui gagne à l'être. Beaucoup de légèreté (très Mozartienne), de la vigueur quand il le faut, notamment dans ce Scherzo (3ème mouv., qui est en fait un Menuet, le seul de toute l"oeuvre symphonique de LVB) au rythme tonitruant, ou dans son Finale qui regorge de musique. Le tout interprété par un ensemble cohérent, et qui joue sans chef - notez-le bien car c'est important. Le grand moment de la soirée.

Allez, c'est probablement un bon souvenir qui restera - quand même !

DK, le jour des cent ans de la Révolution d'Octobre

[Concert] Les Dissonances @ Philharmonie de Paris

- 26 octobre 2017

Les Dissonances
Ludwig van Beethoven, Symphonie N° 7 - Igor Stravinsky, Le sacre du printemps
Philharmonie de Paris

"Mais il n'y a pas de chef d'orchestre ?"

Voilà une dizaine de minutes que les premiers musiciens sont arrivés sur scène, dans une indifférence qui semble bien générale. Ce sont les violoncellistes et contrebassistes qui sont entrés en premier. Ils se sont assis, se sont emparés de leur instrument pour finir de l'accorder ou répéter un passage, dans le brouhaha de la salle qui se remplit encore. Les violonistes les rejoignent peu à peu, les vents, les cuivres... Tout ce petit monde se rassemble mine de rien, et se tient prêt à jouer. Peu de gens prêtent vraiment attention à leur présence. Fondu des lumières, annonce pour les téléphones, le calme vient peu à peu mais pas complètement. Le la est donné, quelques applaudissements qui percent et en entrainent d'autres.

Lorsque le silence de l'orchestre se fait, et qu'il va entamer les premières mesures de la symphonie de Ludwig, une rumeur persiste dans la salle. Comme s'il lui manquait quelque chose, à ce public domestiqué par les convenances de la musique dite classique, pour lui aussi faire silence. Non, monsieur, l'orchestre n'a pas eu besoin d'une entrée en groupe en ligue en procession pour obtenir vos applaudissements. Il s'est installé tranquillement, humblement, et vous avez applaudi. Non, madame, il n'y a pas de chef ! Mais que trouverez-vous encore à en redire lorsque ces musiciens, qui ont mis de côté la hiérarchie, vous auront comblée de musique ? L'orchestre Les Dissonances, avec Ludwig et Stravinsky comme partenaires de danse, c'est parti !

Et nous voilà immédiatement emportés. Il y a le rythme trépidant du premier mouvement de cette Symphonie N° 7 de Ludwig. Il y a surtout l'énergie débordante de cette formation pleine d'enthousiasme. Et immédiatement je retrouve ce qui m'avait charmé lorsque nous avions découvert Les Dissonances avec Frédo. N'ayant plus à porter le regard sur un chef qui leur donne la marche à suivre, les musiciens et musiciennes se regardent les uns les autres - probablement que de la même manière ils s'écoutent. Et forcément ils et elles se sourient. C'est une petite touche d'humanité en plus qui fait du bien.

Qui plus est, ce soir, ils dansent. David Grimal, le directeur artistique de Les Dissonances qui occupe le rôle de premier violon, fait comme les autres. Il se déhanche sur sa chaise, comme s'il était sur le dancefloor, guidé par un groove terrible. Terrible ! La musique de Beethoven a pris vie. C'est clair, c'est précis, c'est intense, c'est très beau. Un Allegretto solennel sans être pompeux, avant que les très entrainants troisième et quatrième mouvements nous replongent dans le groove... Bonheur ! Sus aux codes, le public applaudit entre les mouvements, et c'est très bien !

Et toujours pas de chef lorsque, après l'entracte, ce sont plus que quatre-vingt-dix musiciens qui ont pris place pour Le sacre du printemps. Non seulement ils sont deux fois plus nombreux, mais ils vont interpréter une oeuvre bien plus déstructurée que la précédente. Et pourtant, tout va très bien se passer.

Un grand merci, Les Dissonances ! Une superbe soirée pleine de clarté.
"- La musique est une révélation supérieur à toute sagesse et à toute philosophie... Je suis le Bacchus qui vendange le vin dont l'humanité s'enivre... -" Ludwig van Beethoven

DK, le 27 octobre 2017

[Concert] Gautier Capuçon, Kirill Gerstein, Leonidas Kavakos, Herbert Blomstedt, Gewandhausorchester Leipzig @ Philharmonie de Paris

- 24 octobre 2017

Gautier Capuçon, Kirill Gerstein, Leonidas Kavakos, Herbert Blomstedt, Gewandhausorchester Leipzig 
Ludwig van Beethoven, Triple concerto pour piano, violon et violoncelle - Franz Schubert, Symphonie N° 9 "La Grande"
Philharmonie de Paris

Brillant ! Un programme de très haute volée, des interprètes de grande qualité, dans une salle fabuleuse : la superbe soirée que nous promettait la venue du Gewandhausorchester a tenu toutes ses promesses - quasi, allez... Tout au long de la soirée, une incroyable énergie : celle contenue dans les oeuvres interprétées, bien sûr, mais peut-être aussi la patte Herbert Blomstedt, dont la gestuelle minimale tranche avec l'entrain qu'il insuffle aux orchestres qu'il dirige. Quelques réserves sur le Triple concerto joué en première partie, mais je ne suis pas près d'oublier cette Symphonie N° 9, lumineuse, éblouissante, magnifique.

Sur le Triple... Gautier Capuçon, rien à dire. Il ne perd rien de sa grâce - parfois un peu surjouée, mais ça passe bien - lorsqu'il doit jouer de façon plus tonique que lorsqu'il joue en formation réduite. Kavakos, je n'arrive pas encore à être renversé par son coup d'archet, mais il a tout de même de bien belles intonations, c'est indéniable. Bien plus délicat que lors de ma première rencontre avec lui - déjà avec Gautier Capuçon.

Si j'ai des réserves, elles portent d'abord sur la prestation de Kirill Gerstein. 'L'a pas eu comme un petit problème avec le rythme, le gars ? Ou bien a-t-il été victime d'une réverbération particulière de l'acoustique due au fait que nous étions placé derrière son piano ? Drôle d'impression tout au long de sa prestation, presque désagréable. Ensuite, en grand amateur de Beethoven que je suis, je dois bien reconnaitre qu'à mesure que je l'écoute, le Triple concerto n'est vraiment - vraiment - pas l'oeuvre qui me séduit le plus chez Ludwig.

En revanche, cette Symphonie N° 9 de Schubert est une splendeur - très Beethovenienne par bien des aspects -, et l'interprétation qu'en a fait le Gewandhausorchester fut splendide. Une vraie force, quasi palpable, dans les moments solennels. Une grâce folle dans les moments doux, comme la valse du Scherzo (3ème mouv.). Brillant !

Je crois qu'il gagne à être connu, ce Schubert !

DK, le 26 octobre 2017

[Concert] Emanuel Ax, Budapest Festival Orchestra, Ivan Fischer @ Philharmonie de Paris

- 17 octobre 2017

Emanuel Ax, Budapest Festival Orchestra, Ivan Fischer
Johann Sebastian Bach, Suite pour orchestre N° 3 - Wolfgang Amadeus Mozart, Concerto pour piano N° 20 - Piotr Ilitch Tchaïkovski, Symphonie N° 4
Philharmonie de Paris

Voilà le concert qui pourrait bien être la belle surprise de la saison.

Quand tu vas voir le Berliner ou le LSO, tu sais que tu vas en prendre plein les yeux - les oreilles, quoi. Quand tu viens écouter l'oeuvre qui te prend aux tripes depuis toujours, tu sais que l'émotion va te prendre, et qu'elle fera de toi ce qu'elle veut. Pas de problème, comme dirait Léo. Quand, en revanche, tu ne connais pas l'orchestre qui va jouer, tu ne sais pas qu'il va t'éblouir et te transporter. Quand tu ne connais pas l'oeuvre qui va être interprétée, tu ne sais pas que sa beauté va t'exploser à la tronche. L'inattendu, c'est une part d'enchantement qui vient sublimer l'instant. Régal à la Philharmonie de Paris hier soir, avec la venue du Budapest Festival Orchestra, pour une Symphonie N° 4 de Tchaïkovski mémorable. Mémorable !

C'est Emanuel Ax qui m'a mené jusqu'à ce concert. Lui, il m'avait emballé dans un Concerto 2 de Ludwig hyper classique mais impeccable, donné il y a deux saisons. J'étais curieux de voir ce qu'il allait faire de l'un des plus beaux concertos de Mozart. Et vous savez quoi ? Il en a fait précisément ce que je m'attendais qu'il en fasse. Une version très propre, dont le charme reposa davantage sur une précision incroyable que sur un toucher particulièrement gracieux - la proximité dans le temps du récital de Maurizio Pollini joua en sa défaveur, c'est vrai. Beau moment, très attendu, qui ne fut donc pas celui de la belle surprise.

D'abord le Budapest Festival Orchestra. Une formation fondée en 1993 par celui qui la dirigeait hier soir, Ivan Fischer (avec Zoltan Kocsis), qui apporte une preuve éclatante qu'un orchestre n'a pas forcément besoin de se trimballer un glorieux passé pour disposer d'une vraie et belle pâte sonore. Des phrasés pleins de douceur et de moelleux pour Bach - joué "à l'ancienne", debout et par des instruments d'époque. Une belle énergie qui ne va pas le quitter pour Mozart, et qui va littéralement éclater avec Tchaïkovski.

Quelle merveille que cette symphonie 4 ! Un premier mouvement, comme un manifeste tapageur du "mésesepoir", débutant par une tempête de cuivres qui nous arrache à toute chose et qui va nous brinquebaler durant tout le mouvement - durant toute l'oeuvre de manière sous-jacente. A aucun moment la savante alliance toute en légèreté que tenteront la flûte, la clarinette et le hautbois n'arrivera à convaincre. Si c'est de la vie de Tchaïkovski qu'il est question dans cette oeuvre, ce sont bel et bien les trombes tourmentées de la fanfare qui, in fine, imposeront leur loi. Et immanquablement... Terrible ! Fabuleux !

Aux instants poignants qui viennent de clore le premier mouvement succède le long chant mélancolique du deuxième. Longues et courtes mélodies pleines de tristesse, dont on ne sait s'il s'agit d'un baume ou d'un cheminement presque serein vers le renoncement. Sentiment qui pourrait expliquer ce troisième mouvement où de nonchalants pizzicati semblent venir se moquer de tout ça - de tout ordre. "Soyons désinvoltes, n'ayons l'air de rien". Comme s'il était possible de se mêler à la fête à laquelle nous invite le Finale. Si l'on y est un instant tenté, une bourrasque de cuivres nous ramène à la gravité de notre sort de vivants - de mortels. Chef-d'oeuvre !

Une énorme claque musicale. Merci le Budapest Festival Orchestra. Merci Tchaïkovski.

DK, le 18 octobre 2017

[Concert] Maurizio Pollini @ Philharmonie de Paris

- 9 octobre 2017

Maurizio Pollini
Robert Schumann, Arabesque Op. 18 et Kreisleriana - Frédéric Chopin, Deux nocturnes, Op. 55 et Sonate No 3
Philharmonie de Paris

Maurizio Pollini, c'est VRAIMENT la grande classe ! Et à nouveau une soirée magnifique offerte par l'un des grands monuments du piano. Un homme dont la simplicité apparente n'a d'égal que le talent fabuleux. Toucher incroyablement dynamique, inouï de légèreté et de délicatesse, ferme quand la gravité l'impose. Et inlassablement cette grâce, celle d'un tout jeune homme débordant de musique et de vie. Quand il chante avec Schumann (technique incroyable sur l'incroyablement technique Kreisleriana), quand il fait chanter Chopin (en veux-tu, t'en auras ! deux oeuvres du gars du Père-Lachaise en guise de rappel... et une séance de dédicaces après le concert), il nous prend, il nous emporte, et nous rend à la musique. C'est plus que le talent, c'est pas loin du génie, c'est l'instant du prodige. Maestro Pollini !

A la toute fin de la soirée, le public a cessé de tousser pour applaudir - et debout s'il vous plait.

DK, le 15octobre 2017

[Concert] Maxim Vengrov, Roustem Saïtkoulov @ Philharmonie de Paris

- 28 septembre 2017

Maxim Vengrov, Roustem Saïtkoulov
Johannes Brahms, Scherzo de la Sonate FAE, Sonate No 3 - Georges Enesco, Sonate No 2 - César Franck, Sonate
Philharmonie de Paris

Je pourrais vous raconter ma soirée à la Philharmonie, mais je vais me contenter du concert. Le souvenir de la fabuleuse soirée de janvier dernier encore très vif dans ma mémoire, je ne pouvais louper le retour du Maestro Vengerov et son compère Roustem Saïtkoulov en ce lieu tant aimé. Je dois même dire que je l'attendais avec impatience. Alors, est-ce d'avoir trop envisagé ce moment, une trop forte attente, mais je n'ai malheureusement pas retrouvé toute la magie dans laquelle ces deux-là nous avaient plongés cet hiver.

Peut-être le programme, joli mais pas non plus renversant. J'exagère. D'abord, ce Scherzo de la Sonate FAE, c'est une vraie bombe ! Mise en jambe parfaite. Mais déjà, Vengerov ne me fait pas une énorme impression. Je ne m'en rends pas encore bien compte, pris par le plaisir d'écouter cet air. C'est sur la Sonate No 3 que je vais tiquer. D'inhabituels pains techniques qui vont me crisper. Et puis, je ne sais pas bien pourquoi, je ne rentre pas dedans. Pas grave : comme il ne souffre qu'à peine de quelques petits moments disgracieux, le plaisir du coup d'archet de Vengerov, délicat et majestueux, à la fois chantant et grave, se suffit à lui-même.

M'enfin, toujours est-il que j'entre un peu à reculons dans Enesco. Vengerov ne retrouve pas tout de suite sa magie, en revanche l'oeuvre - que je découvre - me conquiert : ravissante d'un point de vue harmonique. Je commence à me détendre. Et je fais bien, car dans la deuxième partie, il ne sera plus question de pinailler ici ou là. C'est fabuleux. La Sonate de Franck, parmi mes oeuvres préférées dans ce qui se fait pour violon et piano, et son interprétation... Le charme opère totalement.

Si c'est à la fin du bal que l'on paie les musiciens, ajoutons deux petits regrets. Pas un air en solo du Maestro, et pas de surprise dans les bis : quatre, mais les mêmes qu'en janvier. Dommage ! Pas de quoi altérer le plaisir d'écouter Maxim Vengerov. Plaisir partagé par le public parisien... En partie seulement : affluence relativement faible (70% de remplissage grand maximum), et un paquet de gens qui se barrent dès la fin du premier rappel. Oh, Paris ! C'est Vengerov quand même !

DK, le 29 septembre 2017


[Concert] Edgar Moreau, Lahav Shani, Orchestre de Paris @ Philharmonie de Paris

- 20 septembre 2017

Edgar Moreau, Lahav Shani, Orchestre de Paris
Serge Prokofiev, Guerre et paix (ouverture) - Dimitri Chostakovitch, Concerto pour violoncelle No 1 - Piotr Ilyitch Tchaïkovski, Symphonie No 6 "Pathétique"
Philharmonie de Paris

De nous deux, c'est mon gars sûr Oeillet Rouge qui est sorti le plus emballé de la Philharmonie ce soir-là. Je pensais donc qu'il allait désannoncer ça. Mais comme ce n'est pas le cas, je m'y colle.

Non parce que ce n'était peut-être pas le concert de l'année, mais c'était quand même pas mal, cette soirée russe. D'abord, l'ouverture de Guerre et Paix, signée Prokofiev, pas mal, pas mal... pas délirant non plus. Puis le Concerto pour violoncelle de Chostakovitch, décidément à l'honneur en ce début de saison. Moment sublime pour Frédo... Moi, j'ai eu un peu plus de mal à suivre. Il faut se le dire une bonne fois pour toutes : l'arrière scène pour le violoncelle, c'est une idée à proscrire. Durant toute l'oeuvre, j'ai vu le tout jeune Edgar Moreau se démener avec son instrument sans vraiment percevoir ce qu'il en faisait. Frustration, guère compensée par le moment Bach en guise de rappel.

Seconde partie avec la Symphonie No 6 dite "Pathétique" de Tchaïkovski. Quelle merveille que ce troisième mouvement. Particulièrement bien interprété par "notre" orchestre. Ah, dans les parties toniques, il répond parfaitement présent, et c'est bon ! C'est dans les moments plus tendres, plus nuancés, qu'il a quand même du mal à me convaincre. Des attaques incertaines, un peu fébriles. M'enfin... Convaincante prestation en revanche de Lahav Shani, qui mène les siens sans partition mais avec une vraie ardeur.


Demain, c'est le retour de Maestro Vengerov. Can't wait !

DK, le 27 septembre 2017

[Concert] Metallica @ Bercy POPB (Accorhotels Arena)

- 10 septembre 2017

Metallica
Palais Omnisport de Paris Bercy (Accorhotels Arena)

C'est sûr, ça change de Bruckner... Bien plus mélodieux !

Je l'avoue. La seule chose dont j'étais sûr en entrant dans la salle, c'est que j'étais sur le point d'assister au concert d'un groupe que tout mon entourage tient comme l'un des plus costauds sur scène. Metallica, groupe de heavy metal américain, fondé en 1981, dix albums, vendus en millions d'exemplaires, des fans partout dans le monde, du lourd. Metallica, un groupe avec deux lettres trop stylées à chaque bout de son nom. Metallica, un nom mythique dont la réputation n'a rien de galvaudée. Un show époustouflant, l'une des plus belles scénographies qu'il m'ait été donné de voir.

D'abord, une scène centrale... Wouah ! Je n'avais jamais assisté à un concert dans cette configuration, et c'est vrai que c'est incroyable. Sur le plan esthétique, surprenant et ravissant. Sur le plan de la symbolique, il y a une différence énorme avec les configurations habituelles qui est bien plus qu'un symbole. Les artistes, ici, ne sont plus dans leur coin, ils sont au milieu de leur public. Le partage de l'instant n'en est que plus fort - et la proximité physique que permet cette disposition y contribue pas mal. N'en déplaise à Max, il y a un petit coté stade de foot - la hola pour se chauffer avant le concert tombe presque sous le sens.

Au-dessus de la scène - grande mais pas disproportionnée -, des rangées de cubes lumineux qui forment deux carrés. Chacun de ces cubes s'illumine, tantôt de couleurs, tantôt d'images, monte et descend dans un mouvement harmonieux. C'est élégant, c'est hypnotique, c'est superbe. Il y a les lights partout, il y a les flammes, les feux de Bengale pour le final. Autre élément totalement délirant, des drones lumineux qui s'échappent depuis la scène, virevoltent tels des papillons au-dessus du groupe dans une savante chorégraphie, puis regagnent calmement leur loge... Magique !

Dans ce superbe décor, le va et vient énergique des gars de Metallica. D'un bout à l'autre de la scène - de la salle -, ils distillent riffs foudroyants et tempos endiablés. C'est furieux ! Il y en a pour tout le monde. Et tout le monde répond. Vraie osmose entre le groupe et son public (même si cela m'a moins impressionné que pour Iron Maiden). Ca chante, ça slame, ça pogote, ça déborde de vie dans un Bercy ultra bondé. Que c'est bon ! Superbe concert, merci messieurs.

*

La veille, la Manchester Arena, rouvrait ses portes après trois mois et demi de silence. Pensées.

[Concert] Daniel Barenboïm, Staatskapelle Dresden @ Philharmonie de Paris

- 9 septembre 2017

Daniel Barenboïm, Staatskapelle Dresden
Bruckner, Symphonie No 8
Philharmonie de Paris

Eh oui ! On peut avoir un énorme a priori contre un compositeur, on peut avoir une gencive qui a doublé de volume, on peut avoir l'impatience de se nettoyer les esgourdes à grands coups de Metallica (demain soir), et néanmoins passer une excellente soirée avec Anton Bruckner. Le Staatkapelle, emmené par Daniel Barenboïm, était de retour à Paris pour la poursuite du cycle Mozart / Bruckner. Point de Wolfi ce soir, tout pour Anton : la symphonie No 8, une belle surprise ! - qui l'eut-cru ?

Vrai, je n'aime pas bien Bruckner. Je l'ai déjà dit ici. Sa musique me fait souvent l'effet d'un enchainement, ô combien savant, de coups de klaxon et de sonneries d'alarme - et oui, la dimension très religieuse de l'homme est un repoussoir pour un anticlérical... J'ai tout de même réussi à découvrir cette symphonie en dépassant mes a priori, et j'ai bien fait.

D'abord parce que son premier mouvement (allegro moderato) m'a totalement charmé. Voilà ! Lorsqu'il oublie un peu d'empiler les notes dans une forme de répétition ennuyeuse, le gars Bruckner nous emporte dans des élans mélodiques riches, intenses, poignants. Là, c'est le romantisme à l'état pur, et c'est superbe. Même enchantement avec le troisième mouvement (un adagio, "le mouvement lent le plus long de tout le répertoire symphonique"), incroyablement propice à l'introspection.

Les deux autres mouvements m'ont moins transportés, me ramenant à ce que je n'aime pas beaucoup dans la musique du compositeur du soir. J'en ai profité pour me régaler de l'interprétation du Staatskapelle, intense et émouvante, d'une précision incroyable - des attaques parfaitement ciselées à tous les pupitres, mention spéciale aux cuivres. Et pour admirer le talent du Maestro Barenboïm, menant tout ce monde d'une main douce mais ferme, le tout sans partition. Splendide prestation, magnifique concert, salué par une standing ovation méritée.

DK, le 9 septembre 2017


[Concert] Daniel Harding, Orchstre de Paris @ Philharmonie de Paris

- 6 septembre 2017

Daniel Harding, Orchestre de Paris
Henry Purcell, Musique pour les funérailles de la Reine Mary - Gustav Mahler, Symphonie No 6 "Tragique"
Philharmonie de Paris

D'accord, notre orchestre local n'est pas le plus grand de son époque - sinon la saison 2017/18 de la Philharmonie de Paris n'aurait pas été ouverte par le Berliner -, il lui manque sans doute un petit quelque chose dans la pâte sonore pour cela. D'accord, la comparaison avec la fabuleuse version livrée par le LSO et Sir Rattle la saison dernière allait être difficile à tenir. Pour autant, c'est une belle soirée de rentrée, énergique, dynamique, moderne aussi, que nous ont offerts l'Orchestre de Paris et son directeur musical, DJ Harding. Public parisien ravi, Fred et moi idem.

Harding, c'est mon nouveau chouchou - incroyable comme il me fait penser à Marius. Je n'ai donc aucun mal à dire que c'est avant tout à son talent que nous devons le plaisir de cette soirée. D'abord, un choix d'oeuvres qui porte clairement sa griffe. La très vibrante et "so british" Musique pour les funérailles de la reine Mary de Purcell en introduction ; une symphonie de Mahler, la merveilleuse No 6 dite Tragique - assurément le choix de celui qui vient d'être nommé chef  émérite du Mahler Chamber Orchestra, après en avoir été le directeur musical cinq saisons durant. Un superbe programme.

Ensuite, une interprétation pleine de justesse. Beaucoup de délicatesse, de douceur, pour Purcell - des lèvres, il accompagne le choeur qu'il est en train de diriger. Puis l'énergie, la vitalité, la force pour Mahler - et là, ce n'est plus par un simple mouvement des lèvres qu'il accompagne son équipe, c'est tout son corps qui plonge dans la musique. Totalement habité du début à la fin. Il part vers Mahler, il fonce vers lui. Et il nous emmène. Et il se démène, il n'arrête pas. Pris par l'élan d'un moment fougueux lors du superbe Finale, il envoie sa baguette voler derrière lui. La salle s'en amuse. Lui en saisit une autre aussitôt, et repart vers sa prochaine envolée. Et l'orchestre s'en sort plutôt bien à le suivre.

Il y a encore ce parti-pris au moment d'enchainer les oeuvres, réelle touche de modernité. A la fin de son dernier air, le choeur qui vient d'interpréter la Musique pour les funérailles se retire sur la marche finale. Inhabituel, surprenant, on ne comprend pas trop. Mais DJ Harding nous donne bien vite la raison. A peine un silence entre le moment où s'achève la première oeuvre et celui où débute la suivante ! Pas d'applaudissements, - évidemment - pas d'entracte, pas de perte de rythme, bim ! il enchaine. D'un instant à l'autre, la marche de Purcell a laissé place à la marche de Mahler. Bien sûr que la durée très réduite de l'oeuvre jouée en "introduction" aide à cela. Mais bien plus qu'un effet de circonstances, il y a une vraie fraicheur dans cette façon de défaire les codes - l'expression d'une forme d'humilité aussi.

C'était un beau concert de rentrée pour ce tout jeune cinquantenaire qu'est l'Orchestre de Paris. Souhaitons-lui un heureux jubilé !

DK, le 7 septembre 2017


[Concert] Simon Rattle, Berliner Philharmoniker @ Philharmonie de Paris

- 2 septembre 2017

Simon Rattle, Berliner Philharmoniker
Dmitri Chostakovitch, Symphonies No 1 et No 15
Philharmonie de Paris

Rentrée de prestige à la Philharmonie de Paris. Pour cette première levée de la saison 2017/18, la salle de la Porte de Pantin accueillait le Berliner Philharmoniker, dirigé par son directeur musical, Sir Simon Rattle, gars de Liverpool, pour une soirée consacrée aux symphonies de Dmitri Chostakovitch. La première, la No 1 (évidemment) et la dernière, la No 15. D'un bout à l'autre de l'activité symphonique, pléthorique, du compositeur soviétique, de quoi s'en faire une bonne idée. Une superbe idée.

Je découvrais ces deux oeuvres. La Symphonie No 1, d'abord. Chostakovitch n'a que dix-huit ans, il n'est encore qu'un apprenti musicien, lorsqu'il la compose afin de la présenter lors de son examen de fin d'études. Succès immédiat : elle lui permet d'obtenir son diplôme, mais c'est accessoire. Elle propulse le jeune Dmitri dans le gotha musical de son époque. Deux ans après sa création (en 1926), elle a déjà été jouée à Berlin, Philadelphie, New-York et Vienne ! Pas mal pour un premier jet, hein ?

D'inspiration romantique, laissant néanmoins de subtiles dissonances s'immiscer, c'est une oeuvre éclatante, de mélodies, de force, de vitalité, le tout mêlé à de nombreux traits d'humour. Et si elle n'échappe pas à de fortes tensions, à des moments de violence, jamais elle ne se défait de cette lumière qui l'habite, soulignée par les parties solistes du violon, bien sûr, mais également... du piano. Ajoutez à cela la présence tonique des percussions... Totalement emballé.

Il y a presque un demi-siècle entre les deux symphonies jouées hier soir, et cela se sent. Avec la Symphonie No 15, on est dans quelque chose de plus moderne, exigeant, âpre, où l'envie de dissonances laisse la place au dodécaphonique. Le premier mouvement est incroyable. Joyeux, plein d'humour, Chostakovitch fait preuve de beaucoup de délicatesse - dans toute l'oeuvre. Il s'amuse même avec la fameuse ouverture de Guillaume Tell de Rossini (compositeur fétiche du régime soviétique). Mais je dois bien le dire. J'ai eu plus de mal avec cette symphonie - surement quelques préjugés qui ont la dent longue...

La précision, la dynamique, les somptueuses sonorités du Berliner Philharmoniker, quoi de mieux pour, à nouveau, se laisser totalement séduire par l'acoustique incroyable de la Philharmonie de Paris. Quel bonheur d'avoir cette salle ! Quelle absolue nécessité que les classes populaires, celles des environs et d'ailleurs, profitent des tarifs qui y sont pratiqués pour s'approprier ce lieu !

PS : Bien sûr, en l'an 10.000, les musiciens, enfin lucides, c'est-à-dire descendus de toute forme de prétention, auront suivi le chemin des poètes, des comédiens, auront rejoint les peintres là où l'art doit se faire pour que chacun et chacune puisse s'en emparer vraiment : dans la rue !

DK, le 3 septembre 2017

[Concert] Robbie Williams @ Bercy POPB (Accorhotels Arena)

- 1er juillet 2017

Robbie Williams
Palais Omnisport de Paris Bercy (Accorhotels Arena)

Quatorze ans plus tard...

Non, c'est pas vrai. On est quatorze ans plus tôt, on n'a pas changé, on n'a pas pris de bide, on a de l'énergie à revendre, on est jeunes, pas un cheveu blanc, impecc'. La preuve, les chansons qu'on reprend tous en coeur sont les mêmes. Certes, le "Monkey" a laissé la place au "Motherfucker", mais ça, c'est un détail. Non, je vous assure, on est en 2003, il y a Robbie, il y a nous, il y a Bercy, et ce soir, c'est entertainment !

Erasure qui fait le warm-up... Attendez, ne me dites pas qu'on est en 1986 quand même ! Trois quarts d'heure d'une première partie pas mauvaise du tout, même si, sorti de "Oh l'amour !", on est tous largués. Andy Bell nous fait des petits speechs dans un français not so bad entre les chansons, cool. Mais on attend Robbie. Il arrive.

La sono entonne "Lose Yourself" d'Eminem. Oui, le titre est sorti l'an dernier, il cartonne depuis. Annonce de speaker à la manière d'un ring announcer de boxe, apparitions des sparring-partneuses, puis, sous son peignoir, voici le champion, prêt à lâcher les coups. Pas de round d'observation, il se jette à corps perdu dans le show. C'est le gars, c'est lui qu'on attendait.

Deux heures d'un show parfaitement rodé, hyper carré, millimétré, au cordeau. Parfois, on hésite un peu. On est en 2003, mais c'est vrai qu'il a un peu forci, notre héros du soir, c'est vrai que la voix déraille de temps en temps. C'est lui, c'est bien lui, on le reconnait, c'est sûr. Généreux, il se dépense sans compter d'un bout à l'autre de l'immense scène, et tout le long de la rampe installée au milieu de la fosse. Fusionnel avec son public, il sait que c'est autant le chanteur que l'homme que nous sommes venus voir. Il donne tout.

Entre deux tubes, il nous raconte un peu sa vie. Ses concerts, ses mômes, les années qui sont passées... Ah oui ? Mais pourtant... A bien y regarder, il passe pas mal de temps sur les sièges, fauteuils, canapés qui apparaissent et disparaissent ici ou là. Tiens, c'est vrai qu'on pourrait s'asseoir un peu... Non ! On est jeune, on est en 2003, on cartonne ! Moment d'émotion particulier, l'arrivée sur scène de "papa" : Monsieur Williams père venu chanter en duo "Sweet Caroline" avec son fiston.

Pas beaucoup d'autres surprises. Le concert se déroule, c'est très bien, c'est très propre... trop. Robbie est là, il fait le boulot, pas davantage - faut dire, les concerts de 4 heures de Damien Saez, ça rend exigeant. Mais on prend. Parce qu'on est content d'être en 2003. Jusqu'à ce "Strong", dont il a adapté les paroles il y a quelques semaines. "I'm strong" devenu "we're strong", en hommage aux victimes de l'attentat commis à la Manchester Arena. C'est à elles, à celles de Londres, à celles de Paris, que la chanson est dédiée.

Oui, nous sommes effectivement en 2017. Et comme il dit : "I'm still on stage, you're still in the audience, the place is still full". Fuck you, Daesh !

[Concert] Murray Perahia @ Philharmonie de Paris

- 22 juin 2017

Murray Perahia
Johann Sebastian Bach, Suite française n°6 en mi majeur BWV 817 - Franz Schubert, Impromptus op.142 - Wolfgang Amadeus Mozart, Rondo K.511 - Ludwig van Beethoven, Sonate n°32 op.111
Philharmonie de Paris

Dernier nom au générique : Murray Perahia... Indeed !

Ma saison à la Philharmonie pouvait-elle s'achever autrement qu'avec celui qui en aura tenu le premier rôle ? Premier épisode, ici même en novembre, concertos 1 et 3 de Ludwig, très bien. Deuxième épisode, toujours ici en décembre, concertos 2 et 4 de Ludwig, superbe. Troisième épisode, Barbican London en février, même programme Ludwig que lors du précédent, prodigieux. Quatrième épisode, de retour ici hier soir, un récital de toute beauté qui s'achève sur du Ludwig - saison cohérente jusque dans ses dernières notes.

Une Suite de Bach pour débuter le programme, pleine de lyrisme et de légèreté, collant parfaitement à la saison, au jeu de Murray Perahia. A ce que j'avais envie d'écouter aussi, si j'en juge le mal que j'ai eu à rentrer dans la pièce suivante, plus sombre, des Impromptus de Schubert. Je suis passé totalement à côté du premier, pourtant plein d'une jolie mélancolie. La gravité du deuxième m'a bien rattrapé par l'oreille. Mais c'était peine perdue, j'ai rapidement décroché, pris entre le plaisir Bach et l'impatience Beethoven.

Du coup, mon attention s'est également un peu détournée du Rondo de Mozart. Intuition payante, la sonate de Ludovic de Bonn allait requérir toute mon attention. Découverte d'une oeuvre âpre, poignante, difficile, sur le plan technique pour le pianiste, sur celui de l'émotion pour son auditoire : sombre, sombre, sombre, son premier mouvement ; solennel, énergique, parfois fulgurant - de modernité -, son second.

Dernière sonate composée par Beethoven, la douleur, tant physique que psychique, qui habitait le corps et l'esprit du compositeur durant ses dernières années y est palpable. On y retrouve néanmoins ce processus récurrent dans un bon nombre de ses oeuvres : après la tempête, une forme d'apaisement s'opère. Mais ici, il semble prendre la forme du renoncement. Le tourment et la gravité dont s'est extrait l'orage qui s'est abattu sur nous lors du premier mouvement ayant laissé place au tourment et à la gravité, l'harmonie doit - se - faire avec. C'est l'énergie du désespoir qui nous propulse dans une sorte de transe, qui nous ballote jusqu'à un jazz qui ne peut pas dire son nom. Musique métaphysique, sublimée par l'immense Murray Perahia.

A la saison prochaine, Murray. A la saison prochaine, la Philhar'.

DK

[Concert] Symphonic selections Japanese video game music @ Philharmonie de Paris

- 17 juin 2017

London Symphony Orchestra, Eckehard Stier
Jonne Valtonen, Fanfare - In a Roundabout Way - Nobuo Uematsu, Final Fantasy VI - Symphonic Poem, Final Fantasy VII: Symphony (Mvt II - Words Drowned by Fireworks) - Yoko Shimomura, Kingdom Hearts - Rhapsody - Yasunori Mitsuda, Chrono Trigger/Chrono Cross
Philharmonie de Paris

Un vent de fantasy souffle sur la Philharmonie ce soir-là. La moyenne d'âge a considérablement rajeuni et le public porte barbe mal taillée, lunettes, t shirt large et casquette. Et quel enthousiasme! Même le chef, Eckehard Stier, grand échalas à la mèche disciplinée, roule des hanches quand Rony Barrak entame son solo de darbouka. Là aussi, un percussionniste au premier rang de l'orchestre, c'est inhabituel et ça fait plaisir (dit le jeune percussionniste talentueux qui est assis à côté de moi). Grand moment de recueillement lorsque l'orchestre entame, après l'entracte, la symphonie de Final Fantasy VII. Et l'on sent que le public revit les heures de jeu et de jeunesse. Nobuo Uematsu vient saluer à la fin du concert.

On aura entendu aussi le talentueux pianiste Jonne Valtonen qui est aussi l'arrangeur de ces morceaux, un tubiste rebelle qui entame un solo décalé et un duo comique avec le chef d'orchestre, des morceaux bonus qui régalent les geeks et les musicien-nes du LSO qui ont l'air de prendre grand plaisir à jouer.

On retrouve dans les compositions de Uematsu des influences communes à la musique de Joe Hisaishi, entendu la semaine précédente au Palais des Congrès pour un magnifique concert-madeleine de Proust consacré aux thèmes musicaux des films de Hayao Miyazaki. Interprétation de l'orchestre Lamoureux, dirigé par Hisaishi lui-même et en guest, marching band des musicien-nes de l'Orchestre d'Harmonie de Pantin qui a joué trois morceaux du Château dans le ciel.

Sayonara.

Ed & Elie

[Bienvenue dans l'équipe de La Désannonce, Ed & Elie !]

[Concert] Nicholas Angelich @ Philharmonie de Paris

- 6 juin 2017

Nicholas Angelich
Joseph Haydn, Variations en fa mineur Hob XVII.6 - Ludwig van Beethoven, Sonate n°21 Op.53 "Waldstein" - Johannes Brahms, Variations sur un thème de Paganini, op. 35
Philharmonie de Paris

On avait rencontré Nicholas Angelich un soir de Brahms en mars dernier. Il était alors un peu - beaucoup - dans l'ombre d'un violoniste qui aime bien la lumière. Une position qui semblait lui convenir, un peu en retrait derrière la vitrine. Hier soir, le pianiste était seul sur scène. De quoi nous permettre de prendre la pleine mesure de son talent. Un toucher dynamique, de la virtuosité sans grandiloquence, beaucoup de lyrisme, irréprochable sur le plan technique. Très beau récital de Mister Angelich, salué chaudement par un public moins nombreux qu'à l'accoutumée mais généreux dans ses applaudissements. Il y avait de quoi.

Il faut dire que le programme était absolument top. Trois découvertes emballantes : des variations de Haydn au charme mélodique incroyable, d'autres de Brahms sur le glorieux 24è caprice de Paganini, et cette Sonate Waldstein de Ludovic van B. - le premier mouvement*... Claque magistrale ! Tout ce que j'aime dans la musique de Beethoven y est. Jetez-y une oreille quand vous pourrez.

* Sur Wikipédia, c'est très bien dit : Le début de cet Allegro est à cet égard très parlant. Le cycle harmonique parcouru par le premier thème, en croches, est en quelque sorte un cycle de couleurs. De la même façon, le saut dans l'aigu mélodique (mesure 4) est une touche lumineuse qui apparait sur le grommellement de la basse. Lors de la réexposition du thème, celui-ci passe en double croches : il s'agit ici de bien plus qu'une nouvelle présentation harmonique du thème, c'est d'un nouveau matériau sonore, dense et vibratoire. Ce thème réapparaitra plusieurs fois, à chaque fois sous un nouveau visage, plus intense.

DK, le 7 juin 2017

[Concert] Mitsuko Uchida, Bernard Haitink / London Symphony Orchestra @ Philharmonie de Paris

- 30 mai 2017

Mitsuko Uchida, Bernard Haitink / London Symphony Orchestra
Ludwig van Beethoven, Concerto pour piano N° 3 - Anton Bruckner, Symphonie N° 9
Philharmonie de Paris

L'un des derniers grands rendez-vous de la saison à la Philharmonie de Paris : Mitsuko Uchida, Bernard Haitink, le London Symphony Orchestra, prestigieuse distribution ! Avec Ludovic de Bonn au programme ! Toutes les conditions étaient réunies pour se taper un grand kif. Sauf que...

Le LSO attaque sur un rythme plutôt lent. Un son chaud, élégant, convaincant (hormis une flûte pas du tout au goût de Julien), mais d'emblée l'impression qu'on est dans quelque chose de très classique. Impression confirmée par les premières mesures de la pianiste. Un toucher plein de grâce, c'est certain - en particulier dans les moments en piano et pianissimo, où chaque note est claire et précise. Mais pas beaucoup d'audace. A peine plus d'émotion.

Il faudra attendre son solo - attaqué par de furieux accords plaqués avec gravité, relancés par une recherche de légèreté et de délicatesse, tourbillon de grâce, le tout conclu quasiment par une marche, superbe - pour que le talent de Uchida nous explose en pleine face. Un mouvement lent très beau, avant un rondo qui retombe dans l'excès de classicisme du premier mouvement - avec même quelques problèmes de rythme dans sa conclusion. L'oeuvre, sublime, et l'émotion de voir ces grands noms compenseront la petite déception. Une belle interprétation malgré tout, pas non plus mémorable.

Et puis la Symphonie N°9 de Bruckner en deuxième partie. Bon sang, que c'est chiant, Bruckner ! D'interminables nappes ronflantes, de la grandiloquence, et toujours cette impression que l'alarme incendie vient de se déclencher, et se déclencher encore, et encore, et encore... Ça ne passe pas : je reste totalement hermétique à sa musique.

Cool de croiser Max et Edmée pendant l'entracte. Mais le kif en plus, c'est quand même bien Madame Uchida qui vient s'asseoir dans la salle pour écouter avec nous la deuxième partie. Classe !

DK

Orchestra dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia / Antonio Pappano ~~ Philharmonie de Paris


Après le concerto pour piano N° 1 de Tchaïkovski interprété avec élan par Yuja Wang, une découverte: le compositeur italien Respighi. Deux somptueux poèmes symphoniques menés avec énergie, maîtrise et générosité par le chef Pappano, à la baguette d'un orchestre flamboyant aux sonorités chaudes et assurées. Nous en sommes sortis, avec David, tout bouleversés.

  • Gioacchino Rossini
    Ouverture du Siège de Corinthe
  • Piotr Ilitch Tchaïkovski
    Concerto pour piano n° 1
  • Entracte
  • Ottorino Respighi
    Les Fontaines de Rome
    Les Pins de Rome
  • Orchestra dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia
  • Antonio Pappano, direction
  • Yuja Wang, piano

[Concert] Hilary Hahn, Leonard Slatkin, Orchestre National de Lyon @ Philharmonie de Paris

- 9 mai 2017

Hilary Hahn, Leonard Slatkin, Orchestre National de Lyon
John Adams, Chairman dances - Piot Ilitch Tchaïkovski, Concerto pour violon en ré majeur Op. 35 - Hector Berlioz, Symphonie fantastique
Philharmonie de Paris

Bien vrai qu'il est magnifique, ce Concerto pour violon de Piotr Ilitch, hein ? Et alors, quand on a la chance de l'entendre deux fois en très peu de temps, par deux interprètes exceptionnelles, on savoure pleinement. Après Sayaka Shoji en décembre dernier à l'Auditorium de la Maison de la Radio, c'est Hilary Hahn qui venait nous en livrer sa version hier soir à la Philharmonie de Paris. Deux registres totalement différents, avec au moins un point commun, celui de nous amener jusqu'à quelques larmiches, Renaud comme moi... Prodigieux moment de musique. Si je mets la magie Vengerov de côté, c'est sans aucun doute mon plus beau moment de violon depuis Gidon Kremer.

Car oui, ce qu'a fait Hilary hier dépasse ce que firent Sayaka ou Joshua (Bell, vu avec Fredo la saison dernière) en leur temps de la même oeuvre. De la première, elle garde l'impressionnante technique - irréprochable de justesse et de précision d'un bout à l'autre - sans se livrer à la même démonstration de virtuosité absolue. Du second, elle garde la douceur, une volonté de beaucoup de délicatesse - et cela même si, comme le dit Renaud, elle a un son ample, qui occupe pleinement l'espace, un peu à la Perlman en effet. A cela, elle ajoute une sorte de simplicité, de décontraction - qui tiendrait presque de la désinvolture -, alors qu'elle joue l'une des oeuvres pour violons les plus ardues*.

Et c'est là, à mon sens, le prodige. Quand tu connais un peu l'oeuvre, tu attends les moments particulièrement exigeants, voire périlleux, d'un point de vue technique, ou essentiels sur le plan de l'émotion. Tu les guettes, les espérant ou les redoutant selon le ton qui est donné. Avec Mademoiselle Hahn, tu ne les vois pas vraiment venir - en fait, elle t'a attrapé depuis bien longtemps, depuis ses premiers coups d'archet. Elle passe toutes les difficultés avec une aisance telle que tu ne les reconnais pas d'emblée. Ils te viennent avec le reste, dans un tout. Tu reconnais l'instant qui fait pour toi le sublime, bien sûr. Mais il est apparu dans celui qui le précédait, tout aussi sublime, et s'est fondra dans le suivant, sans qu'aucun d'eux n'ait à envier à aucun autre. C'est l'oeuvre en plein.

Moment de grâce absolue, pour tout un chacun dans cette salle. Il ne s'est trouvé personne pour rabrouer les gens qui ont applaudi en plein - milieu du premier - mouvement. Personne non plus pour ne pas applaudir entre les - premier et deuxième - mouvements. L'émotion se fout bien des codes et convenances, et elle a raison. Succès amplement mérité - également pour l'Orchestre National de Lyon, même si plus inspiré par Tchaïkovski que par Berlioz.

Pas évident de passer après un tel moment, même quand on s'appelle Berlioz. En revanche, pièce sympa en début de programme, Chairman dances de John Adams, oeuvre contemporaine entrainante et enjouée, façon musique de film.

DK, le 10 mai 2017




* Ce n'est pas Leopold Auer qui me contredirait. Originellement écrit pour lui, il refusa de jouer ce concerto, le jugeant trop difficile sur le plan technique. Il sera finalement dédié à Adolf Brodsky.

[Concert] Orchestre d'harmonie de Pantin @ Théâtre du fil de l'eau

- 30 avril 2017

Orchestre d'harmonie de Pantin
Oeuvres de Piotr Ilitch Tchaïkovsky, Alexandre Glazounov, Silvestre Revueltas, John Williams, Alfred Reed, Arturo Marquez
Théâtre du fil de l'eau, Pantin

Très belle prestation pleine d'énergie de la part de l'Orchestre d'harmonie de Pantin, formation amatrice dirigée avec beaucoup d'application par Laurent Langard. Le choix des oeuvres est subtil et efficace, leur interprétation pleine d'entrain, les solistes un peu stressés mais tout à fait convaincants, les quelques petites imperfections - quelques moments grinçants de la part des cors - sont largement dépassés par l'envie dont tous font preuve. Une mention toute particulière aux percussionnistes, de jeunes musiciens pour la plupart, mais bourrés de talent, à n'en pas douter !

DK, le 3 mai 2017

[Concert] Maurizio Pollini @ Philharmonie de Paris

- 28 avril 2017

Maurizio Pollini
Frédéric Chopin, Deux nocturnes Op. 27, Ballade N° 3, Ballade N° 4, Berceuse Op. 57, Scherzo N° 1 - Claude Debussy, Préludes (livre II) // Rappels : Debussy, La cathédrale engloutie - Chopin, Scherzo N° 3, Ballade N° 1
Philharmonie de Paris

Maurizio Pollini, fabuleux. Maurizio Pollini, un tout jeune homme de soixante-quinze printemps dont les mains virevoltent prodigieusement. Maurizio Pollini qui illumine Chopin et Debussy devant un parterre éberlué. Maurizio Pollini, une technique incroyable totalement dédiée à ces flots d'émotion dont il nous abreuve avec générosité. Maurizio Pollini, quand il chantonne avec son piano, on dirait presque un môme qui s'amuse de la vie et des choses. Maurizio Pollini, deux heures durant, nous émerveille à chaque instant. Maurizio Pollini qui offre à Paris trois rappels - de très haute technicité. Maurizio Pollini qui nous quitte, Lila, moi, et les autres, sur une standing ovation amplement méritée. Maurizio Pollini, grande maestro !

DK, le 29 avril 2017

La fille de neige de Nikolaï Rimski-Korsakov ~~ Opéra Bastille

La mise en scène et la scénographie de Dmitri Tcherniakov illumine  ce conte de printemps en quatre actes et un prologue. La virevoltante danse des arbres dans le dernier tableau restera un moment de magie pure, inoubliable.

FB


[Théâtre] Les peintres au charbon (m-e-s Marc Delva) @ Théâtre 13 (Seine)

- 25 avril 2017

Les peintres au charbon (de Lee Hall)
Mise en scène : Marc Delva
Théâtre 13 (Seine)

Remarquable moment de théâtre, Les peintres au charbon. Une pièce passionnante, qui narre la rencontre entre un groupe de mineurs du Nord de l'Angleterre avec l'art pictural. Rencontre qui n'a rien d'improbable. Même si c'est un peu au hasard qu'elle se fait. Au sein de l'association d'éducation collective qui réunit ces mineurs, organisés et soucieux de comprendre le monde, certains auraient préféré que l'économie leur soit enseignée. Ne trouvant pas de professeur dans ce domaine - tiens, pas de spécialiste pour les éclairer sur les rouages du système qui les exploite ? Comme c'est étrange ! -, c'est à la peinture qu'ils vont être initiés.

Au-delà de leur donner le goût de peindre - Oliver Kilbourn, Jimmy Floyd, et les autres constitueront bientôt le Ashington Group -, c'est à la rencontre d'eux-mêmes, en tant qu'individus, en tant que groupe aussi, qu'ils vont être amenés. Des moments très émouvants, beaucoup d'humour aussi, d'humanité - même si les femmes n'y ont pas le beau rôle... Working class heroes !

De jeunes acteurs pleins de justesse, une mise en scène épurée et mouvante - les tableaux que l'on ne peut qu'imaginer sur les toiles vierges que les jeunes peintres manipulent, et qui sont projetés en toute fin de représentation, très chouette idée -, et, oui, une fin superbe (no spoiling, je n'en dis pas plus). Un peu plus de deux heures de régal. Bien vu, Vosstanie. Bien joué, Frédo !

DK, le 26 avril 2017

*

"Nous parlons d’artistes libres, mais il n’y a pas de liberté artistique possible avant de nous être emparés des moyens accumulés par le XXe siècle, qui sont pour nous les vrais moyens de la production artistique, et qui condamnent ceux qui en sont privés à n’être pas des artistes de ce temps. Si le contrôle de ces nouveaux moyens n’est pas totalement révolutionnaire, nous pouvons être entraînés vers l’idéal policé d’une société d’abeilles. La domination de la nature peut être révolutionnaire ou devenir l’arme absolue des forces du passé. Les situationnistes se placeront au service de la nécessité de l’oubli. La seule force dont ils peuvent attendre quelque chose est ce prolétariat, théoriquement sans passé, obligé de tout réinventer en permanence, dont Marx disait qu’il « est révolutionnaire ou n’est rien ». Sera-t-il, de notre temps, ou non ? La question est d’importance pour notre propos : le prolétariat doit réaliser l’art." - Bulletin central édité par les sections de Internationale Situationniste

[Concert] Saez @ Zenith de Paris

- 22 avril 2017

Damien Saez
Zénith de Paris

Tu as bien raison, Fredo, "au sommet de son art scénique", ce Damien. Quel concert ! Une dinguerie ! Quatre heures de poésie, de musique, de chaleur, mots qui claquent, saturations qui enivrent. Un artiste concentré et qui se donne, des musiciens appliqués et qui se donnent, un public présent, bien présent, et qui se donne. La musique n'est peut-être alors plus qu'un prétexte. C'est une furieuse envie de vie qui nous porte. Entre rage et mélancolie, oui, ami, "joie de vivre, simplement".

Le noir se fait sur un immense écran qui se déploie. C'est une jeune femme qui nous reçoit dans son endroit de solitude. Elle nous en confie un peu - de douceur aussi, même si ce n'est probablement pas son intention. Il fait Nuit, bien sûr. Elle nous regarde, ou par la fenêtre. Elle parle. Elle nous parle. Et dans ce qu'elle dit, on ne distingue pas vraiment le doux du dingue, le tendre du cruel. Mais il y a sa voix, sa bouche, son regard. L'instant a fait le charme, ou l'inverse. Elle nous emporte. A moins que ce soit cette mélodie au piano qui vient de poindre derrière l'image, et qui peu à peu la dépasse. La jeune femme à sa fenêtre va nous quitter, la lumière se faire sur le piano. La mélodie, c'est lui. C'est l'artiste. Il n'est pas entré sur scène. Il nous a rejoint. C'est parti.

D'abord, il est seul - enfin on est cinq mille - on est seul. A la manière d'un chef d'orchestre, il prend place derrière un pupitre. Il attrape sa guitare et attaque avec son dernier album. Cicatrices en forme de chansons, chansons en forme d'hommage. On est au Zénith, et puis au Bataclan. On est cette jeunesse qui s'est relevée de ça - qui se relève de tout - mais qui boite encore un peu dans sa tête. On n'est plus tout à fait jeunes, et les jeunes non plus. Mais on est debout. Et ce soir, on va chanter, on va danser, on va hurler, on va boire, on va s'aimer, on va vivre, bon dieu ! On va leur gueuler, nos "Fuck you Goldman Sachs" ! On va les prier, toutes les Betty ! On va les brûler, les P'tits Sous ! On va peut-être pas être d'accord sur tout ce qu'il raconte, l'artiste. Mais on est là, en plein. Quel pied !

Le noir à nouveau. C'est un peu brutal pour les plus chauds dans la salle. A leur décharge, ils ne savent pas encore que près de trois heures de spectacle nous attendent encore. La jeune femme revient. Dans ses mots, toute une part de douceur s'est cette fois effacée. Qui est-elle ? Que fait-elle à cette fenêtre ? Pas vraiment le temps de comprendre. Damien Saez et ses musiciens nous récupèrent lentement, dans un calme qui cache la tempête. Oui, les coups vont pleuvoir. Lettre apolitique, Marianne, Fils de France, J'accuse, Pilule, Cigarette, Peuple manifestant, Ma petite couturière... La sociale en prend pour son grade, et ses représentants avec. Il y a des choses simplistes, d'autres maladroites, mais comme ça fait du bien de retrouver ce chanteur qui n'a rien perdu de sa rage, tout au contraire. Bordel, que ça fait du bien !

Ivresse totale sur Rue d'la soif - Bonnie. Fosse et gradins en feu, j'ai rarement vu le Zénith bouger autant - Jamais ? Peut-être pour Die Antwoord il y a deux ans ou le tout premier Renaud en 1984... Damien Saez énergique, musiciens inspirés - l'accordéon apporte un vrai quelque chose -, son impeccable. Tout est au top ! Peut-être cette dernière vidéo projetée un peu en trop - et pas seulement parce que la jeune femme à la fenêtre a laissé la place à un jeune homme près d'un radiateur. La dernière partie est d'une autre émotion encore. On sait qu'il va bien avoir une fin, ce moment de vie que l'on savoure. Alors on se laisse aller à la mélancolie. Jeunesse lève-toi, parce que demain ils votent. J'veux qu'on baise sur ma tombe, parce que l'éternité. Marguerite, Putains vous m'aurez plus, you know ?! - elle sait. La lutte, parce que c'est vivre. Jeune et con, pas loin de vingt piges qui nous narguent. Et Tu y crois... devenu Tu y as cru... Bah tiens !

On y a cru, oui. Il y a dix-sept ans, en l'an 2000, un petit gars chanteur, venu de Dijon, "là où même les chiens s'ennuient", débarque par la télé, chez Gaël Leforestier sur La Cinquième. Et chacun de notre côté, va comprendre, Fred comme moi, on se le prend en pleine tronche. Déjà entre rage et mélancolie, déjà un viveur. On a cru en lui, et il ne nous a pas déçus. Merci Damien Saez !

DK


PS - Un truc assez dingue quand même. Quinze ans entre son premier Zénith et celui-ci, et on dirait que son public n'a pas vieilli. Les rangs des tempes grisonnantes sont un peu plus remplis, d'accord. Mais la jeunesse, celle qui se donne en fosse, celle qui s'ambiance avant que l'artiste vienne, celle qui remue pendant tout le show, celle qui n'hésite pas à pogoter, elle est là ! Et pas qu'en fosse ! Pour tout dire, si on faisait déjà office de vieux au Café de la Danse en 2000, les choses ne se sont pas arrangées. Tant mieux ! Jeunesse, lève-toi !

Damien Saez ~~ Le Zénith de Paris


 Damien Saez, au sommet de son art scénique, accompagné d'une troupe d'une infinie justesse (guitares, batterie, basse et accordéon), nous a offert son meilleur concert depuis 2002 (et avec David notre carte de fidélité est exhaustive) ; un pur moment de partage de quatre heures dans l’allégresse de la musique, porté par un son équilibré. La joie de la rencontre rayonnait sur scène pour cette dernière escale de la tournée 2017 du Manifeste. Et le public ne s'y est pas trompé, portant à bout de bras cet "enfant qui écrivait des poèmes". Joie de la révolte, de la rébellion, joie de l'amour et de la poésie, joie de l'alcool et de l' amitié. Joie de vivre, simplement.


A nous, repartis au large de l'attente, de patienter jusqu' au prochain port!

FB

[Concert] Jan Lisiecki, Jukka Pekka Saraste, Orchestre de Paris @ Philharmonie de Paris

- 20 avril 2017

Jan Lisiecki, Jukka Pekka Saraste, Orchestre de Paris
Frédéric Chopin, Concerto pour piano N° 2 - Dmitri Chostakovitch, Symphonie N° 8
Philharmonie de Paris

Julien, qui avait vu ce même concert la veille, nous avait prévenus. SMS reçu : "C'était quelque chose, ce Chosta ! Magnifique, concentré, très bien sonnant, mais sans aucune concession à l'effet immédiat. Dense, expressif, oppressant. Noyés dans la musique nous sommes. Et la fin extatique. Apaisement ? Non, dissolution, effacement, disparition. Franchement, rarement vu l'Orchestre de Paris sonner comme ça". Et Chopin ? "Le jeune pianiste polonais est un longiligne ange blond à croquer. Virtuose, beaucoup de ruptures dynamiques, c'est du Mozart dans le mouvement lent, du Beethoven dans le troisième, et du Liszt dans le premier. Il est grand donc quand il met la puissance, ça envoie. Un peu mécanique, mais carré et enlevé".

Un concert qui inspire autant l'ami, on allait se régaler, avec Fredo. Et cela n'a pas manqué. Un Concerto N° 2 de Chopin absolument superbe - moi qui ne suis pas plus Chopin que ça, totalement charmé, notamment, c'est vrai, par le mouvement lent. Époustouflant de précision, ce Jan Lisiecki, des pianissimos de toute beauté, chaque note est donnée avec précision et douceur. Un virtuose mais qui sait tout de même s'effacer derrière l'oeuvre. Un brin mécanique, c'est vrai, pas désagréable non plus. Il méritait sans doute un peu plus de gens qui applaudissent et un peu moins de gens qui toussent...

Et quel morceau, cette Symphonie N° 8 ! Julien a tout dit. Et c'est vrai que l'Orchestre de Paris s'en sort plutôt pas mal. Cela dit, l'oeuvre, poignante et très expressive, lui permet de briller. Le coup de baguette de Jukka-Pekka Saraste y est peut-être également pour quelque chose. Une très belle soirée, encore une fois. Bon résumé de Fredo : "Puissance et gravité de Chosta et sous les tilleuls verts de la promenade Chopin et les violons qui bruissent"

DK,  avec JB et FB

[Concert] René Jacobs, RIAS Kammerchor, Akademie für Alte Musik Berlin @ Philharmonie de Paris

- 14 avril 2017

René Jacobs, RIAS Kammerchor, Akademie für Alte Musik Berlin
Johann Sebastian Bach, Passion selon saint Matthieu
Philharmonie de Paris


Julien a raison. Elle était très humaine, cette Passion selon saint Matthieu, interprétée avec beaucoup de douceur, de simplicité, de talent - presque d'allégresse - par René Jacobs "et sa troupe". Humaine. Et c'est ainsi que nous les regardons dorénavant, ces choses du sacré : avec des yeux d'hommes et de femmes. Ni dieu ni maitre !

Merci donc à la Philharmonie de Paris de ne pas avoir eu la même idée que la saison dernière, une énorme croix en guise de décor. Superflue, dans un lieu public par conséquent laïc. Saugrenue même. Si, si ! Imagine-t-on un décor de bateau lorsque Shéhérazade est jouée ? Ou alors, mettons des danseuses les soirs de Boléro, le S de Superman quand est donnée la Symphonie fantastique, et qu'on se lâche un bon coup les soirs du Kindertotenlieder - vraiment, allons-y !


DK, le 17 avril 2017

[Concert] L'Âge d'Or du Rap Français @ Bercy POPB (Accorhotels Arena)

Ministère ÄMER
- 27 mars 2017

L'Âge d'Or du Rap Français
Palais Omnisport de Paris Bercy (Accorhotels Arena)

"Qui aurait pu imaginer
que le temps serait si vite écoulé
On fait le bilan calmement 
en s'remémorant chaque instant
Parler des histoires d'avant 
comme si on avait cinquante ans"

Alors comme ça, les rappeurs français ont cédé à la tentation du concert-combo ? Une sorte de "Stars 80" version Nineties et côté Street, réunissant une partie de la crème du rap hexagonal, dénommé "L'Âge d'Or du Rap Français"... Bon, il manque à mon sens trois noms essentiels pour faire de ce rendez-vous un truc de dingue, un summum absolu, un moment d'histoire. Mais l'affiche est plus que belle, quasi immanquable pour l'amateur de bon vieux rap que je suis. C'est parti !

Plus de trois heures de musique et d'énergie, méga-distribution de madeleines de Proust, vrai plaisir. Un show très carré - et même un peu trop : chacun rentre bien à son moment, il ou elle chante son morceau et basta, tout est parfaitement découpé, avec des petits films totalement insipides pour présenter les artistes qui vont composer le tableau qui vient... L'embourgeoisement ne réussit pas forcément très bien au rap français. Mais bon, il y a du beau monde qui défile, on sent les artistes contents d'être là (Daddy Yod à Bercy, man !), une bonne vibe dans le public qui chante à tue-tête, l'instant est là.

Tch Tch !
Et puis, ça tient plutôt bien la route. Des prestations au top, Stomy B et Passi qui dévorent la scène, MNLK "tranquille", Sages Po' "sur le beat yo !", Busta Flex, Expression Direkt, 2Bal 2Neg. Les Ärsenik ont repris du tiramisu au moins deux fois, mais le "tch tch" fuse. Daddy Nuttea distribue ses paroles mièvres, la voix un peu fausse, on baigne dans la nostalgie. Rocca, l'un des MC les plus sous-estimés, qui redouble toujours de fougue pour trainer Daddy Lord C (m'enfin il a son timbre quand même). Ils le font bien, tous. Ça s'enchaine vraiment pas mal ! On y est en fait ! On y est ! On en parlerait à des moins de vingt ans, ils ne pourraient pas connaître.

Bon, il y a Oxmo qui ne se casse pas trop le cul, des moments plus creux, et puis l'accident industriel Sully Sephil. Et puis, politiquement, je ne peux taire que les présences de Rockin' Squat et de Princesse Erika, certes légitimes, me posent problème. Quant à Kery James... Je dois néanmoins reconnaitre que son "Hardcore" a été une sorte de moment d'apothéose - de plus, c'est le seul à avoir fait venir son posse sur scène, c'est partageux, j'apprécie.

Sages Poètes de la Rue
On a donc fait le bilan, calmement, en s'remémorant chaque instant, comme si dans cinq ans on n' avait pas cinquante ans. Et c'était bien cool !

DK, le 28 mars 2017

Michael KOHLHAAS, l'homme révolté ~~ Théatre de l' Essaïon

Gilbert Ponté, héraut du texte de Kleist,  revêt ses habits  de conteur à l'abri des vieilles pierres disjointes de la salle cabaret du théâtre de l'Essaïon, et déploie à bride abattue la parole tranchante de Kohlhaas, éleveur de chevaux devenu par l'arbitraire des hommes porte-étendard d'une révolte qui sourd de la terre et des cœurs, du sien et de tous ses compagnons de subversion.  Mauvaise foi, trahison, manigance: l'homme révolté est confronté dans son honnêteté simple à ce que l'homme a de plus vil.

FB