[Concert] Saez @ Zenith de Paris

- 22 avril 2017

Damien Saez
Zénith de Paris

Tu as bien raison, Fredo, "au sommet de son art scénique", ce Damien. Quel concert ! Une dinguerie ! Quatre heures de poésie, de musique, de chaleur, mots qui claquent, saturations qui enivrent. Un artiste concentré et qui se donne, des musiciens appliqués et qui se donnent, un public présent, bien présent, et qui se donne. La musique n'est peut-être alors plus qu'un prétexte. C'est une furieuse envie de vie qui nous porte. Entre rage et mélancolie, oui, ami, "joie de vivre, simplement".

Le noir se fait sur un immense écran qui se déploie. C'est une jeune femme qui nous reçoit dans son endroit de solitude. Elle nous en confie un peu - de douceur aussi, même si ce n'est probablement pas son intention. Il fait Nuit, bien sûr. Elle nous regarde, ou par la fenêtre. Elle parle. Elle nous parle. Et dans ce qu'elle dit, on ne distingue pas vraiment le doux du dingue, le tendre du cruel. Mais il y a sa voix, sa bouche, son regard. L'instant a fait le charme, ou l'inverse. Elle nous emporte. A moins que ce soit cette mélodie au piano qui vient de poindre derrière l'image, et qui peu à peu la dépasse. La jeune femme à sa fenêtre va nous quitter, la lumière se faire sur le piano. La mélodie, c'est lui. C'est l'artiste. Il n'est pas entré sur scène. Il nous a rejoint. C'est parti.

D'abord, il est seul - enfin on est cinq mille - on est seul. A la manière d'un chef d'orchestre, il prend place derrière un pupitre. Il attrape sa guitare et attaque avec son dernier album. Cicatrices en forme de chansons, chansons en forme d'hommage. On est au Zénith, et puis au Bataclan. On est cette jeunesse qui s'est relevée de ça - qui se relève de tout - mais qui boite encore un peu dans sa tête. On n'est plus tout à fait jeunes, et les jeunes non plus. Mais on est debout. Et ce soir, on va chanter, on va danser, on va hurler, on va boire, on va s'aimer, on va vivre, bon dieu ! On va leur gueuler, nos "Fuck you Goldman Sachs" ! On va les prier, toutes les Betty ! On va les brûler, les P'tits Sous ! On va peut-être pas être d'accord sur tout ce qu'il raconte, l'artiste. Mais on est là, en plein. Quel pied !

Le noir à nouveau. C'est un peu brutal pour les plus chauds dans la salle. A leur décharge, ils ne savent pas encore que près de trois heures de spectacle nous attendent encore. La jeune femme revient. Dans ses mots, toute une part de douceur s'est cette fois effacée. Qui est-elle ? Que fait-elle à cette fenêtre ? Pas vraiment le temps de comprendre. Damien Saez et ses musiciens nous récupèrent lentement, dans un calme qui cache la tempête. Oui, les coups vont pleuvoir. Lettre apolitique, Marianne, Fils de France, J'accuse, Pilule, Cigarette, Peuple manifestant, Ma petite couturière... La sociale en prend pour son grade, et ses représentants avec. Il y a des choses simplistes, d'autres maladroites, mais comme ça fait du bien de retrouver ce chanteur qui n'a rien perdu de sa rage, tout au contraire. Bordel, que ça fait du bien !

Ivresse totale sur Rue d'la soif - Bonnie. Fosse et gradins en feu, j'ai rarement vu le Zénith bouger autant - Jamais ? Peut-être pour Die Antwoord il y a deux ans ou le tout premier Renaud en 1984... Damien Saez énergique, musiciens inspirés - l'accordéon apporte un vrai quelque chose -, son impeccable. Tout est au top ! Peut-être cette dernière vidéo projetée un peu en trop - et pas seulement parce que la jeune femme à la fenêtre a laissé la place à un jeune homme près d'un radiateur. La dernière partie est d'une autre émotion encore. On sait qu'il va bien avoir une fin, ce moment de vie que l'on savoure. Alors on se laisse aller à la mélancolie. Jeunesse lève-toi, parce que demain ils votent. J'veux qu'on baise sur ma tombe, parce que l'éternité. Marguerite, Putains vous m'aurez plus, you know ?! - elle sait. La lutte, parce que c'est vivre. Jeune et con, pas loin de vingt piges qui nous narguent. Et Tu y crois... devenu Tu y as cru... Bah tiens !

On y a cru, oui. Il y a dix-sept ans, en l'an 2000, un petit gars chanteur, venu de Dijon, "là où même les chiens s'ennuient", débarque par la télé, chez Gaël Leforestier sur La Cinquième. Et chacun de notre côté, va comprendre, Fred comme moi, on se le prend en pleine tronche. Déjà entre rage et mélancolie, déjà un viveur. On a cru en lui, et il ne nous a pas déçus. Merci Damien Saez !

DK


PS - Un truc assez dingue quand même. Quinze ans entre son premier Zénith et celui-ci, et on dirait que son public n'a pas vieilli. Les rangs des tempes grisonnantes sont un peu plus remplis, d'accord. Mais la jeunesse, celle qui se donne en fosse, celle qui s'ambiance avant que l'artiste vienne, celle qui remue pendant tout le show, celle qui n'hésite pas à pogoter, elle est là ! Et pas qu'en fosse ! Pour tout dire, si on faisait déjà office de vieux au Café de la Danse en 2000, les choses ne se sont pas arrangées. Tant mieux ! Jeunesse, lève-toi !

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