- 17 octobre 2017
Emanuel Ax, Budapest Festival Orchestra, Ivan Fischer
Johann Sebastian Bach, Suite pour orchestre N° 3 - Wolfgang Amadeus Mozart, Concerto pour piano N° 20 - Piotr Ilitch Tchaïkovski, Symphonie N° 4
Philharmonie de Paris
Voilà le concert qui pourrait bien être la belle surprise de la saison.
Quand tu vas voir le Berliner ou le LSO, tu sais que tu vas en prendre plein les yeux - les oreilles, quoi. Quand tu viens écouter l'oeuvre qui te prend aux tripes depuis toujours, tu sais que l'émotion va te prendre, et qu'elle fera de toi ce qu'elle veut. Pas de problème, comme dirait Léo. Quand, en revanche, tu ne connais pas l'orchestre qui va jouer, tu ne sais pas qu'il va t'éblouir et te transporter. Quand tu ne connais pas l'oeuvre qui va être interprétée, tu ne sais pas que sa beauté va t'exploser à la tronche. L'inattendu, c'est une part d'enchantement qui vient sublimer l'instant. Régal à la Philharmonie de Paris hier soir, avec la venue du Budapest Festival Orchestra, pour une Symphonie N° 4 de Tchaïkovski mémorable. Mémorable !
C'est Emanuel Ax qui m'a mené jusqu'à ce concert. Lui, il m'avait emballé dans un Concerto 2 de Ludwig hyper classique mais impeccable, donné il y a deux saisons. J'étais curieux de voir ce qu'il allait faire de l'un des plus beaux concertos de Mozart. Et vous savez quoi ? Il en a fait précisément ce que je m'attendais qu'il en fasse. Une version très propre, dont le charme reposa davantage sur une précision incroyable que sur un toucher particulièrement gracieux - la proximité dans le temps du récital de Maurizio Pollini joua en sa défaveur, c'est vrai. Beau moment, très attendu, qui ne fut donc pas celui de la belle surprise.
D'abord le Budapest Festival Orchestra. Une formation fondée en 1993 par celui qui la dirigeait hier soir, Ivan Fischer (avec Zoltan Kocsis), qui apporte une preuve éclatante qu'un orchestre n'a pas forcément besoin de se trimballer un glorieux passé pour disposer d'une vraie et belle pâte sonore. Des phrasés pleins de douceur et de moelleux pour Bach - joué "à l'ancienne", debout et par des instruments d'époque. Une belle énergie qui ne va pas le quitter pour Mozart, et qui va littéralement éclater avec Tchaïkovski.
Quelle merveille que cette symphonie 4 ! Un premier mouvement, comme un manifeste tapageur du "mésesepoir", débutant par une tempête de cuivres qui nous arrache à toute chose et qui va nous brinquebaler durant tout le mouvement - durant toute l'oeuvre de manière sous-jacente. A aucun moment la savante alliance toute en légèreté que tenteront la flûte, la clarinette et le hautbois n'arrivera à convaincre. Si c'est de la vie de Tchaïkovski qu'il est question dans cette oeuvre, ce sont bel et bien les trombes tourmentées de la fanfare qui, in fine, imposeront leur loi. Et immanquablement... Terrible ! Fabuleux !
Aux instants poignants qui viennent de clore le premier mouvement succède le long chant mélancolique du deuxième. Longues et courtes mélodies pleines de tristesse, dont on ne sait s'il s'agit d'un baume ou d'un cheminement presque serein vers le renoncement. Sentiment qui pourrait expliquer ce troisième mouvement où de nonchalants pizzicati semblent venir se moquer de tout ça - de tout ordre. "Soyons désinvoltes, n'ayons l'air de rien". Comme s'il était possible de se mêler à la fête à laquelle nous invite le Finale. Si l'on y est un instant tenté, une bourrasque de cuivres nous ramène à la gravité de notre sort de vivants - de mortels. Chef-d'oeuvre !
Une énorme claque musicale. Merci le Budapest Festival Orchestra. Merci Tchaïkovski.
DK, le 18 octobre 2017
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