[Concert] Lofofora @ La Maroquinerie

- 7 juin 2018

Lofofora
Simple appareil tour
La Maroquinerie (Paris XXè)

Déjà lors de l’annonce de la sortie imminente d’un nouvel album acoustique de Lofofora, on avait de quoi être dubitatif. Alors quand on aime depuis longtemps ce fer de lance de la scène hardcore-métal-punk de chez nous, l’idée d’un concert sans grosses guitares laissait pour le moins perplexe.

Puis l’arrivée de l’album a vite rassuré. Le groupe qu’on connait est bien là, inspiré et affuté. De même l’arrivée à La Maroquinerie ce jeudi : le public rock parigot est au rendez-vous. Salle pleine et chaude, vibrante d’un enthousiasme mérité pour Still, la première partie plus ricaine que nature. Yeeeeha.

Mais les choses sérieuses ne tardent pas, et l’entrée dans le concert se fait par le début du nouvel album, Les boites, premier morceau à la hauteur, c’est une habitude depuis longtemps chez Lofo, suivi d’un L’appétit de circonstance, ici comme sur l’album. Bien sûr, on attend aussi les vieilles chansons mises au régime sans satu ni disto, ça commence dès le troisième morceau, Pyromane, puis ça monte crescendo dans la fréquence et l’intensité pour culminer lors d’un Autopilote et d’un Pornolitique où tout le monde oublie être venu à un concert acoustique. L’épreuve du contraire, album studio précédant ce Simple Appareil, est le plus cité, mais c’est bien Le fond et la forme qui finit d’embraser la fosse.

L’honneur est sauf côté pogo et brailleries, mais il faut reconnaître qu’une fois la mèche de la fête rock allumée dans le public, difficile pour beaucoup de se calmer suffisamment vite pour pleinement recevoir les nouvelles chansons minimalistes quand elles repointent le bout de l’intro. Dommage pour Les Anges, par exemple.


Mais l’énergie du groupe comme du public reprend vite le dessus pour ne plus voir le temps passer jusqu’à la fin. Pas de faux rappel, ça fait plaisir, mais plein d’émotion avec le morceau Sven dédié au guitariste de Parabellum mort l’an dernier, enchainé sur le dernier morceau de Simple Appareil, Le Martyr, dont le final prend tout son sens en conclusion de cette belle transe ayant une fois de plus saisi tout un concert de Lofofora, décidément en pleine forme, même sans jouer les gros bras sonores.

Impressionnant de maitrise et de volonté, le groupe prouve définitivement que toute l’énergie qu’il insuffle ne vient pas (que) de ses amplis.

Setlist : Les boites, L’appétit, Pyromane, Contre les murs, Troubadour, Les gens, La dose, La splendeur, L’histoire ancienne, Autopilote, Les anges, Enfant du chaos, Pornolitique, Double A, Le forçat, Le fond et la forme, Sven, Le martyr

Max, le 9 juin 2018

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Première chronique sacrément chiadée ! Une bonne nouvelle que tu rejoignes enfin l'équipe de La Désannonce, Max. Ta présence va permettre de varier un peu les genres abordés ici, et ta plume apporter un peu de fraicheur. Je supprime mon post consacré à ce même concert, non sans redire le plaisir que j'ai eu d'être dans cette ambiance, et la formidable osmose ressentie tout au long de la soirée entre le groupe et le public présent dans un lieu favorable à la convivialité. Merci à Reuno et Phil, merci à toi, Max. Bises à Elie, troisième larron de cette chouette soirée, bises aux girls. - DK

[Concert] Ange @ Café de la Danse

(appareil photo oublié)
- 4 juin 2018

Ange
Heureux Tour
Le Café de la Danse (Paris 11è)

En Franche-Comté, tout vieillit bien ! Les arbres, le fromage, la littérature... Prenez Hugo, ça n'a pas pris une ride, Les Misérables ! Eh bien pour le rock, c'est pareil. A l'occasion du Heureux Tour, le groupe Ange - un tout jeune homme ! - faisait escale à Paris, du coté du Café de la Danse, pour le plus grand plaisir de son public de la capitale, sans doute tout aussi impatient que moi de laisser la poésie et les saturations de la compagnie Décamps, Décamps and Friends nous ensorceler. Un rendez-vous qui a tenu toutes ses promesses, mais qui aurait peut-être pu aller au-delà...

Passée la première partie - une sorte de Vianney en un peu moins con peut-être -, c'est dans une chaleur suffocante que le concert débute. D'emblée, plus question de mariner dans la torpeur des lieux. L'énergie nous saisit. Une alternance de chansons récentes et de classiques, toutes accueillies avec le même enthousiasme, le choix des chansons est équilibré, même s'il manque un peu d'originalité. Son pas mal, j'ai trouvé les voix un peu surmixées, mais Max qui découvrait Ange sur scène m'a dit que cela lui avait permis de mieux saisir les paroles.

Christian démarre tranquillement, mais tourne rapidement à plein régime. Tristan se démène entre ses trois claviers et ses parties chantées. Hassan est au rendez-vous, inébranlable du haut de son talent. Thierry est dans le groove, comme d'hab'. La batterie de Benoit est peut-être un brin sous-mixée, elle, mais toujours aussi carré, l'gars. C'est du bon, on est dedans. Allez, c'est vrai que parfois, ça ferait du bien d'entendre la voix de Caroline Crozat, m'enfin... Il fait très chaud dans la salle, et l'ambiance l'est tout autant - bien plus chaude qu'à l'Alhambra, et même qu'au Trianon.

Tout se passe bien. Il manque juste une chose : un peu de surprise. Elle est là, dans la découverte des chansons récentes, mais elle manque un peu dans le choix des chansons anciennes (je ne parle pas ici des classiques comme l'Apprenti sorcier, le Chien ou le Captain). Y a Quasimodo certes, mais La gare de Troyes, la Ballade, déjà faites lors de tournées récentes... Le répertoire Ange ne manque pourtant pas de merveilles à remettre au goût du jour... A quand Les fous demandent un roi (le solo final par Hassan, ça doit être quelque chose) ou Caricatures ? On aimerait tellement les entendre à nouveau, ou tiens, que Tristan s'en empare, plutôt qu'il nous resserve une nouvelle fois son Harmonie, déjà au programme lors de la tournée précédente, et qui perd un brin de sa superbe - un petit manque de travail vocal ? C'est dommage !

Mais bon, il en aurait fallu bien plus pour gâcher cette belle soirée de rock'n'roll. Max convaincu... Même l'ami Ronan, croisé par hasard, était content de sa soirée... Mon sixième concert de Ange, un bon concert, sans aucun doute. Vivement le prochain. A bientôt sur la vie, à toujours sur le rêve.

DK, le 5 juin 2018
Pensées pour Jean-Dominique et Alban. Pensées pour Monsieur Richard.

[Théâtre] Paroles gelées (m-e-s Jean Bellorini) @ Théâtre Gérard Philippe CDN

- 27 mai 2017

Paroles gelées (d'après François Rabelais)
Mise en scène : Jean Bellorini
Théâtre Gérard Philipe (TGP) - CDN Saint-Denis

-- ATTENTION ! SPOILER --

C'est vrai que l'absence de comédiens sur scène pendant que les spectateurs s'installent aurait du me mettre la puce à l'oreille. Qu'est-ce que ce début tout à fait normal, et donc tout a fait inhabituel chez Jean Bellorini, pouvait-il bien cacher ?

Le noir se fait. Apparaissent au premier plan trois personnages (était-ce un premier puis les deux autres ?). On comprend assez vite - c'est la seule chose que je suis certain d'avoir comprise - qu'il s'agit des deux principaux protagonistes, Panurge et Pantagruel, accompagnés de celui qui sera le narrateur de l'histoire (le formidable Camille de la Guillonnière).

Ils sont devant un rideau noir. Dans un balai très Bellorinien, leurs paroles se croisent, s'échangent, se superposent. Le rythme de cette présentation nous emporte illico. C'est d'emblée plein de force, de finesse, d'humour, de justesse - cela ne me dérangerait finalement pas que la pièce que nous allons voir se résume à une série d'échanges, sans décor, sans rien d'autre que le mot sublimé.

Mais ces trois personnages s'écartent et le rideau noir tombe. La troupe apparait éparpillée sur cette scène brillante. Tous sont juchés, qui sur un escabeau, qui sur une chaise. Immobiles, ils débutent la narration, accompagnés par la musique savamment distillée d'un bassiste, d'un percussionniste (caisse claire, charleston et deux timbales) et d'un gars aux synthés, tous trois installés en arrière-plan. Un regard pour détailler les différents éléments qui composent la scénographie, toute en clair(<)obscur bien entendu, mais c'est à la parole des comédiens que s'en remet notre attention - d'autant plus que l'ouvreur avait été clair, il nous faudrait faire un effort pour comprendre.

Je vais être franc : je n'ai pas compris grand chose. Mais je me suis laissé charmé, surprendre, ravir par de superbes moments de théâtre. Le deuxième - l'incroyable dialogue (à trois) de présentation étant le premier - est sans conteste celui où l'un des comédiens présents sur cette scène inaugural se décide à bouger, à descendre de son "support", et pose le pied sur cette scène... qui aussitôt semble se dérober sous lui ! Si Lila et moi avions remarqué qu'elle brillait, nous étions à cent lieues d'imaginer qu'elle était une immense étendue d'eau. Le charme des premiers remous nous enchante, instant de grâce incroyable.


Ce qui me restera en premier lieu de ce spectacle, c'est la musique. Quel bonheur ! Elle donne au moment de la parole une résonance inouïe. Ce n'est évidemment pas la première fois que je relève cet élément majeur des mises en scène de Bellorini, mais je n'avais jamais autant senti sa présence. Peut-être l'attention que je n'accordais plus au récit s'est-elle reportée sur elle ?

Il y a les airs, les chansons qu'on attend presque (avec le Cantique de Jean Racine de Gabriel Fauré, qui m'est intimement cher, moment bouleversant ; avec ce crooner improbable qui sort de nulle part pour un Still loving you surjoué et à moitié faux, mémorable !). Il y a ces moments où, non contents de la parole, les comédiens eux-mêmes s'en emparent. Il y a surtout sa présence - qui tient presque de l'omniprésence -, tout au long de la représentation. Et cette énergie, cette profondeur, cette chaleur, qu'elle seule porte... La musique !

Ce que je ne suis pas prêt d'oublier non plus, c'est la prestation de Karyll Elgrichi. A volé en éclat mon souvenir d'une comédienne parfois un peu dans la démonstration, dans la posture. Bien plus convaincante dans Karamasov que dans Tempête sous un crâne, elle a fini de me mettre totalement dans sa poche. Son dialogue avec Panurge, lorsque tous deux parcourent le corps de Pantagruel, le dialogue de deux enfants, plein de spontanéité et de simplicité... Merveilleux ! Et le charme fou de cette scène où, au centre d'une corolle lumineuse, elle est devenue une femme, portant une robe de mariée qui lui est tombée dessus, et qui semble très lourde, très lourde à porter... Bouleversante !

Évidemment, quand tout ou partie du sens de ce qui se déroule vous échappe, certains moments semblent un peu longs. Le fait d'être un peu perdu largement compensé par la beauté incroyable, la drôlerie, l'émotion de certains instants, par la conviction d'une troupe de comédiens remarquables, par ce tout qui fait la patte Bellorini (on attend avec impatience le programme de la saison prochaine). Par le plaisir de passer un chouette moment avec Lila.

PS - T'as manqué, Frédo.

DK, le 3 juin 2018