[Concert] Maxim Vengrov, Roustem Saïtkoulov @ Philharmonie de Paris

- 28 septembre 2017

Maxim Vengrov, Roustem Saïtkoulov
Johannes Brahms, Scherzo de la Sonate FAE, Sonate No 3 - Georges Enesco, Sonate No 2 - César Franck, Sonate
Philharmonie de Paris

Je pourrais vous raconter ma soirée à la Philharmonie, mais je vais me contenter du concert. Le souvenir de la fabuleuse soirée de janvier dernier encore très vif dans ma mémoire, je ne pouvais louper le retour du Maestro Vengerov et son compère Roustem Saïtkoulov en ce lieu tant aimé. Je dois même dire que je l'attendais avec impatience. Alors, est-ce d'avoir trop envisagé ce moment, une trop forte attente, mais je n'ai malheureusement pas retrouvé toute la magie dans laquelle ces deux-là nous avaient plongés cet hiver.

Peut-être le programme, joli mais pas non plus renversant. J'exagère. D'abord, ce Scherzo de la Sonate FAE, c'est une vraie bombe ! Mise en jambe parfaite. Mais déjà, Vengerov ne me fait pas une énorme impression. Je ne m'en rends pas encore bien compte, pris par le plaisir d'écouter cet air. C'est sur la Sonate No 3 que je vais tiquer. D'inhabituels pains techniques qui vont me crisper. Et puis, je ne sais pas bien pourquoi, je ne rentre pas dedans. Pas grave : comme il ne souffre qu'à peine de quelques petits moments disgracieux, le plaisir du coup d'archet de Vengerov, délicat et majestueux, à la fois chantant et grave, se suffit à lui-même.

M'enfin, toujours est-il que j'entre un peu à reculons dans Enesco. Vengerov ne retrouve pas tout de suite sa magie, en revanche l'oeuvre - que je découvre - me conquiert : ravissante d'un point de vue harmonique. Je commence à me détendre. Et je fais bien, car dans la deuxième partie, il ne sera plus question de pinailler ici ou là. C'est fabuleux. La Sonate de Franck, parmi mes oeuvres préférées dans ce qui se fait pour violon et piano, et son interprétation... Le charme opère totalement.

Si c'est à la fin du bal que l'on paie les musiciens, ajoutons deux petits regrets. Pas un air en solo du Maestro, et pas de surprise dans les bis : quatre, mais les mêmes qu'en janvier. Dommage ! Pas de quoi altérer le plaisir d'écouter Maxim Vengerov. Plaisir partagé par le public parisien... En partie seulement : affluence relativement faible (70% de remplissage grand maximum), et un paquet de gens qui se barrent dès la fin du premier rappel. Oh, Paris ! C'est Vengerov quand même !

DK, le 29 septembre 2017


[Concert] Edgar Moreau, Lahav Shani, Orchestre de Paris @ Philharmonie de Paris

- 20 septembre 2017

Edgar Moreau, Lahav Shani, Orchestre de Paris
Serge Prokofiev, Guerre et paix (ouverture) - Dimitri Chostakovitch, Concerto pour violoncelle No 1 - Piotr Ilyitch Tchaïkovski, Symphonie No 6 "Pathétique"
Philharmonie de Paris

De nous deux, c'est mon gars sûr Oeillet Rouge qui est sorti le plus emballé de la Philharmonie ce soir-là. Je pensais donc qu'il allait désannoncer ça. Mais comme ce n'est pas le cas, je m'y colle.

Non parce que ce n'était peut-être pas le concert de l'année, mais c'était quand même pas mal, cette soirée russe. D'abord, l'ouverture de Guerre et Paix, signée Prokofiev, pas mal, pas mal... pas délirant non plus. Puis le Concerto pour violoncelle de Chostakovitch, décidément à l'honneur en ce début de saison. Moment sublime pour Frédo... Moi, j'ai eu un peu plus de mal à suivre. Il faut se le dire une bonne fois pour toutes : l'arrière scène pour le violoncelle, c'est une idée à proscrire. Durant toute l'oeuvre, j'ai vu le tout jeune Edgar Moreau se démener avec son instrument sans vraiment percevoir ce qu'il en faisait. Frustration, guère compensée par le moment Bach en guise de rappel.

Seconde partie avec la Symphonie No 6 dite "Pathétique" de Tchaïkovski. Quelle merveille que ce troisième mouvement. Particulièrement bien interprété par "notre" orchestre. Ah, dans les parties toniques, il répond parfaitement présent, et c'est bon ! C'est dans les moments plus tendres, plus nuancés, qu'il a quand même du mal à me convaincre. Des attaques incertaines, un peu fébriles. M'enfin... Convaincante prestation en revanche de Lahav Shani, qui mène les siens sans partition mais avec une vraie ardeur.


Demain, c'est le retour de Maestro Vengerov. Can't wait !

DK, le 27 septembre 2017

[Concert] Metallica @ Bercy POPB (Accorhotels Arena)

- 10 septembre 2017

Metallica
Palais Omnisport de Paris Bercy (Accorhotels Arena)

C'est sûr, ça change de Bruckner... Bien plus mélodieux !

Je l'avoue. La seule chose dont j'étais sûr en entrant dans la salle, c'est que j'étais sur le point d'assister au concert d'un groupe que tout mon entourage tient comme l'un des plus costauds sur scène. Metallica, groupe de heavy metal américain, fondé en 1981, dix albums, vendus en millions d'exemplaires, des fans partout dans le monde, du lourd. Metallica, un groupe avec deux lettres trop stylées à chaque bout de son nom. Metallica, un nom mythique dont la réputation n'a rien de galvaudée. Un show époustouflant, l'une des plus belles scénographies qu'il m'ait été donné de voir.

D'abord, une scène centrale... Wouah ! Je n'avais jamais assisté à un concert dans cette configuration, et c'est vrai que c'est incroyable. Sur le plan esthétique, surprenant et ravissant. Sur le plan de la symbolique, il y a une différence énorme avec les configurations habituelles qui est bien plus qu'un symbole. Les artistes, ici, ne sont plus dans leur coin, ils sont au milieu de leur public. Le partage de l'instant n'en est que plus fort - et la proximité physique que permet cette disposition y contribue pas mal. N'en déplaise à Max, il y a un petit coté stade de foot - la hola pour se chauffer avant le concert tombe presque sous le sens.

Au-dessus de la scène - grande mais pas disproportionnée -, des rangées de cubes lumineux qui forment deux carrés. Chacun de ces cubes s'illumine, tantôt de couleurs, tantôt d'images, monte et descend dans un mouvement harmonieux. C'est élégant, c'est hypnotique, c'est superbe. Il y a les lights partout, il y a les flammes, les feux de Bengale pour le final. Autre élément totalement délirant, des drones lumineux qui s'échappent depuis la scène, virevoltent tels des papillons au-dessus du groupe dans une savante chorégraphie, puis regagnent calmement leur loge... Magique !

Dans ce superbe décor, le va et vient énergique des gars de Metallica. D'un bout à l'autre de la scène - de la salle -, ils distillent riffs foudroyants et tempos endiablés. C'est furieux ! Il y en a pour tout le monde. Et tout le monde répond. Vraie osmose entre le groupe et son public (même si cela m'a moins impressionné que pour Iron Maiden). Ca chante, ça slame, ça pogote, ça déborde de vie dans un Bercy ultra bondé. Que c'est bon ! Superbe concert, merci messieurs.

*

La veille, la Manchester Arena, rouvrait ses portes après trois mois et demi de silence. Pensées.

[Concert] Daniel Barenboïm, Staatskapelle Dresden @ Philharmonie de Paris

- 9 septembre 2017

Daniel Barenboïm, Staatskapelle Dresden
Bruckner, Symphonie No 8
Philharmonie de Paris

Eh oui ! On peut avoir un énorme a priori contre un compositeur, on peut avoir une gencive qui a doublé de volume, on peut avoir l'impatience de se nettoyer les esgourdes à grands coups de Metallica (demain soir), et néanmoins passer une excellente soirée avec Anton Bruckner. Le Staatkapelle, emmené par Daniel Barenboïm, était de retour à Paris pour la poursuite du cycle Mozart / Bruckner. Point de Wolfi ce soir, tout pour Anton : la symphonie No 8, une belle surprise ! - qui l'eut-cru ?

Vrai, je n'aime pas bien Bruckner. Je l'ai déjà dit ici. Sa musique me fait souvent l'effet d'un enchainement, ô combien savant, de coups de klaxon et de sonneries d'alarme - et oui, la dimension très religieuse de l'homme est un repoussoir pour un anticlérical... J'ai tout de même réussi à découvrir cette symphonie en dépassant mes a priori, et j'ai bien fait.

D'abord parce que son premier mouvement (allegro moderato) m'a totalement charmé. Voilà ! Lorsqu'il oublie un peu d'empiler les notes dans une forme de répétition ennuyeuse, le gars Bruckner nous emporte dans des élans mélodiques riches, intenses, poignants. Là, c'est le romantisme à l'état pur, et c'est superbe. Même enchantement avec le troisième mouvement (un adagio, "le mouvement lent le plus long de tout le répertoire symphonique"), incroyablement propice à l'introspection.

Les deux autres mouvements m'ont moins transportés, me ramenant à ce que je n'aime pas beaucoup dans la musique du compositeur du soir. J'en ai profité pour me régaler de l'interprétation du Staatskapelle, intense et émouvante, d'une précision incroyable - des attaques parfaitement ciselées à tous les pupitres, mention spéciale aux cuivres. Et pour admirer le talent du Maestro Barenboïm, menant tout ce monde d'une main douce mais ferme, le tout sans partition. Splendide prestation, magnifique concert, salué par une standing ovation méritée.

DK, le 9 septembre 2017


[Concert] Daniel Harding, Orchstre de Paris @ Philharmonie de Paris

- 6 septembre 2017

Daniel Harding, Orchestre de Paris
Henry Purcell, Musique pour les funérailles de la Reine Mary - Gustav Mahler, Symphonie No 6 "Tragique"
Philharmonie de Paris

D'accord, notre orchestre local n'est pas le plus grand de son époque - sinon la saison 2017/18 de la Philharmonie de Paris n'aurait pas été ouverte par le Berliner -, il lui manque sans doute un petit quelque chose dans la pâte sonore pour cela. D'accord, la comparaison avec la fabuleuse version livrée par le LSO et Sir Rattle la saison dernière allait être difficile à tenir. Pour autant, c'est une belle soirée de rentrée, énergique, dynamique, moderne aussi, que nous ont offerts l'Orchestre de Paris et son directeur musical, DJ Harding. Public parisien ravi, Fred et moi idem.

Harding, c'est mon nouveau chouchou - incroyable comme il me fait penser à Marius. Je n'ai donc aucun mal à dire que c'est avant tout à son talent que nous devons le plaisir de cette soirée. D'abord, un choix d'oeuvres qui porte clairement sa griffe. La très vibrante et "so british" Musique pour les funérailles de la reine Mary de Purcell en introduction ; une symphonie de Mahler, la merveilleuse No 6 dite Tragique - assurément le choix de celui qui vient d'être nommé chef  émérite du Mahler Chamber Orchestra, après en avoir été le directeur musical cinq saisons durant. Un superbe programme.

Ensuite, une interprétation pleine de justesse. Beaucoup de délicatesse, de douceur, pour Purcell - des lèvres, il accompagne le choeur qu'il est en train de diriger. Puis l'énergie, la vitalité, la force pour Mahler - et là, ce n'est plus par un simple mouvement des lèvres qu'il accompagne son équipe, c'est tout son corps qui plonge dans la musique. Totalement habité du début à la fin. Il part vers Mahler, il fonce vers lui. Et il nous emmène. Et il se démène, il n'arrête pas. Pris par l'élan d'un moment fougueux lors du superbe Finale, il envoie sa baguette voler derrière lui. La salle s'en amuse. Lui en saisit une autre aussitôt, et repart vers sa prochaine envolée. Et l'orchestre s'en sort plutôt bien à le suivre.

Il y a encore ce parti-pris au moment d'enchainer les oeuvres, réelle touche de modernité. A la fin de son dernier air, le choeur qui vient d'interpréter la Musique pour les funérailles se retire sur la marche finale. Inhabituel, surprenant, on ne comprend pas trop. Mais DJ Harding nous donne bien vite la raison. A peine un silence entre le moment où s'achève la première oeuvre et celui où débute la suivante ! Pas d'applaudissements, - évidemment - pas d'entracte, pas de perte de rythme, bim ! il enchaine. D'un instant à l'autre, la marche de Purcell a laissé place à la marche de Mahler. Bien sûr que la durée très réduite de l'oeuvre jouée en "introduction" aide à cela. Mais bien plus qu'un effet de circonstances, il y a une vraie fraicheur dans cette façon de défaire les codes - l'expression d'une forme d'humilité aussi.

C'était un beau concert de rentrée pour ce tout jeune cinquantenaire qu'est l'Orchestre de Paris. Souhaitons-lui un heureux jubilé !

DK, le 7 septembre 2017


[Concert] Simon Rattle, Berliner Philharmoniker @ Philharmonie de Paris

- 2 septembre 2017

Simon Rattle, Berliner Philharmoniker
Dmitri Chostakovitch, Symphonies No 1 et No 15
Philharmonie de Paris

Rentrée de prestige à la Philharmonie de Paris. Pour cette première levée de la saison 2017/18, la salle de la Porte de Pantin accueillait le Berliner Philharmoniker, dirigé par son directeur musical, Sir Simon Rattle, gars de Liverpool, pour une soirée consacrée aux symphonies de Dmitri Chostakovitch. La première, la No 1 (évidemment) et la dernière, la No 15. D'un bout à l'autre de l'activité symphonique, pléthorique, du compositeur soviétique, de quoi s'en faire une bonne idée. Une superbe idée.

Je découvrais ces deux oeuvres. La Symphonie No 1, d'abord. Chostakovitch n'a que dix-huit ans, il n'est encore qu'un apprenti musicien, lorsqu'il la compose afin de la présenter lors de son examen de fin d'études. Succès immédiat : elle lui permet d'obtenir son diplôme, mais c'est accessoire. Elle propulse le jeune Dmitri dans le gotha musical de son époque. Deux ans après sa création (en 1926), elle a déjà été jouée à Berlin, Philadelphie, New-York et Vienne ! Pas mal pour un premier jet, hein ?

D'inspiration romantique, laissant néanmoins de subtiles dissonances s'immiscer, c'est une oeuvre éclatante, de mélodies, de force, de vitalité, le tout mêlé à de nombreux traits d'humour. Et si elle n'échappe pas à de fortes tensions, à des moments de violence, jamais elle ne se défait de cette lumière qui l'habite, soulignée par les parties solistes du violon, bien sûr, mais également... du piano. Ajoutez à cela la présence tonique des percussions... Totalement emballé.

Il y a presque un demi-siècle entre les deux symphonies jouées hier soir, et cela se sent. Avec la Symphonie No 15, on est dans quelque chose de plus moderne, exigeant, âpre, où l'envie de dissonances laisse la place au dodécaphonique. Le premier mouvement est incroyable. Joyeux, plein d'humour, Chostakovitch fait preuve de beaucoup de délicatesse - dans toute l'oeuvre. Il s'amuse même avec la fameuse ouverture de Guillaume Tell de Rossini (compositeur fétiche du régime soviétique). Mais je dois bien le dire. J'ai eu plus de mal avec cette symphonie - surement quelques préjugés qui ont la dent longue...

La précision, la dynamique, les somptueuses sonorités du Berliner Philharmoniker, quoi de mieux pour, à nouveau, se laisser totalement séduire par l'acoustique incroyable de la Philharmonie de Paris. Quel bonheur d'avoir cette salle ! Quelle absolue nécessité que les classes populaires, celles des environs et d'ailleurs, profitent des tarifs qui y sont pratiqués pour s'approprier ce lieu !

PS : Bien sûr, en l'an 10.000, les musiciens, enfin lucides, c'est-à-dire descendus de toute forme de prétention, auront suivi le chemin des poètes, des comédiens, auront rejoint les peintres là où l'art doit se faire pour que chacun et chacune puisse s'en emparer vraiment : dans la rue !

DK, le 3 septembre 2017