Les Dissonances
Ludwig van Beethoven, Symphonie N° 7 - Igor Stravinsky, Le sacre du printemps
Philharmonie de Paris
"Mais il n'y a pas de chef d'orchestre ?"
Voilà une dizaine de minutes que les premiers musiciens sont arrivés sur scène, dans une indifférence qui semble bien générale. Ce sont les violoncellistes et contrebassistes qui sont entrés en premier. Ils se sont assis, se sont emparés de leur instrument pour finir de l'accorder ou répéter un passage, dans le brouhaha de la salle qui se remplit encore. Les violonistes les rejoignent peu à peu, les vents, les cuivres... Tout ce petit monde se rassemble mine de rien, et se tient prêt à jouer. Peu de gens prêtent vraiment attention à leur présence. Fondu des lumières, annonce pour les téléphones, le calme vient peu à peu mais pas complètement. Le la est donné, quelques applaudissements qui percent et en entrainent d'autres.
Lorsque le silence de l'orchestre se fait, et qu'il va entamer les premières mesures de la symphonie de Ludwig, une rumeur persiste dans la salle. Comme s'il lui manquait quelque chose, à ce public domestiqué par les convenances de la musique dite classique, pour lui aussi faire silence. Non, monsieur, l'orchestre n'a pas eu besoin d'une entrée en groupe en ligue en procession pour obtenir vos applaudissements. Il s'est installé tranquillement, humblement, et vous avez applaudi. Non, madame, il n'y a pas de chef ! Mais que trouverez-vous encore à en redire lorsque ces musiciens, qui ont mis de côté la hiérarchie, vous auront comblée de musique ? L'orchestre Les Dissonances, avec Ludwig et Stravinsky comme partenaires de danse, c'est parti !
Et nous voilà immédiatement emportés. Il y a le rythme trépidant du premier mouvement de cette Symphonie N° 7 de Ludwig. Il y a surtout l'énergie débordante de cette formation pleine d'enthousiasme. Et immédiatement je retrouve ce qui m'avait charmé lorsque nous avions découvert Les Dissonances avec Frédo. N'ayant plus à porter le regard sur un chef qui leur donne la marche à suivre, les musiciens et musiciennes se regardent les uns les autres - probablement que de la même manière ils s'écoutent. Et forcément ils et elles se sourient. C'est une petite touche d'humanité en plus qui fait du bien.
Qui plus est, ce soir, ils dansent. David Grimal, le directeur artistique de Les Dissonances qui occupe le rôle de premier violon, fait comme les autres. Il se déhanche sur sa chaise, comme s'il était sur le dancefloor, guidé par un groove terrible. Terrible ! La musique de Beethoven a pris vie. C'est clair, c'est précis, c'est intense, c'est très beau. Un Allegretto solennel sans être pompeux, avant que les très entrainants troisième et quatrième mouvements nous replongent dans le groove... Bonheur ! Sus aux codes, le public applaudit entre les mouvements, et c'est très bien !
Et toujours pas de chef lorsque, après l'entracte, ce sont plus que quatre-vingt-dix musiciens qui ont pris place pour Le sacre du printemps. Non seulement ils sont deux fois plus nombreux, mais ils vont interpréter une oeuvre bien plus déstructurée que la précédente. Et pourtant, tout va très bien se passer.
Un grand merci, Les Dissonances ! Une superbe soirée pleine de clarté.
"- La musique est une révélation supérieur à toute sagesse et à toute philosophie... Je suis le Bacchus qui vendange le vin dont l'humanité s'enivre... -" Ludwig van Beethoven
DK, le 27 octobre 2017